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Texte à méditer :  Soyez philosophe ; mais, au milieu de toute votre philosophie, soyez toujours un homme.  David Hume
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Hors des sentiers battus
L'architecture

  "Quand on entre dans l'intérieur d'une cathédrale du Moyen Age, cette vue fait moins songer à la solidité des piliers qui supportent l'édifice, leur rapport mécanique avec la voûte qui repose sur eux, qu'aux sombres arcades d'une forêt dont les arbres rapprochés entrelacent leurs rameaux. Une traverse a besoin d'un point d'appui solide et d'une direction à angle droit. Mais, dans l'architecture gothique, les murs s'élèvent d'eux-mêmes librement ; il en est de même des piliers qui en s'élevant se déploient dans divers sens, et se rencontrent comme accidentellement. En d'autres termes, leur destination, de supporter la voûte qui, en effet, s'appuie sur eux, n'est pas expressément manifestée et représentée en soi. On dirait qu'ils ne supportent rien ; de même que, dans l'arbre, les branches ne paraissent pas supportées par le tronc, mais, dans leur forme de légère courbure, semblent une continuation de la tige et forment, avec les rameaux d'un autre arbre, une voûte de feuillage Une pareille voûte, qui jette l'âme dans le recueillement, cette mystérieuse horreur des bois qui porte à la méditation, la cathédrale les reproduit par ses sombres murailles, et, au-dessous, par la forêt de piliers et de colonnettes qui se déploient librement et se rejoignent au sommet. Cependant, on ne doit pas, pour cela, dire que l'architecture gothique a pris les arbres et les forêts pour premier modèle de ses formes."

 

 

Hegel, Esthétique, 1835 (posthume), Tome premier, Troisième partie, Chapitre III, II, 1.


   

    "Les oeuvres de l'architecture, contrairement à celles des autres arts, n'ont que très rarement une destination purement esthétique ; elles sont soumises à d'autres conditions étrangères à l'art, tout utilitaires ; par suite, le grand mérite de l'artiste consiste à poursuivre et atteindre le but esthétique, tout en tenant compte d'autres nécessités ; pour arriver à cette conciliation, il lui faut tâcher d'accorder par divers moyens les fins esthétiques avec les fins utilitaires ; il lui faut déterminer avec sagacité quel est le genre de beauté esthétique et architectonique qui se prête, qui convient à la construction d'un temple, d'un palais, d'un arsenal. À mesure que la rigueur du climat multiplie les exigences et les besoins de la pratique, à mesure qu'elle les rend étroites et impérieuses, la recherche du beau en architecture se renferme dans un champ plus restreint. [...]

    Toutes ces nécessités de la pratique sont, pour l'architecture, autant d'entraves ; pourtant elles lui procurent, d'autre part, un puissant point d'appui ; car, vu les dimensions et le prix de ses ouvrages, vu la sphère restreinte de son activité esthétique, elle ne pourrait subsister uniquement comme art, si, en sa qualité de profession indispensable, elle n'obtenait en même temps une place sûre et honorable parmi les métiers."

 

Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, 1819, Livre troisième, § 43, tr. A. Burdeau, PUF, p. 279.


  

  "L'architecture, c'est avec des matériaux bruts, établir des rapports émouvants. L'architecture est au-delà des choses utilitaires. L'architecture est chose de plastique. Esprit d'ordre, unité d'intention. La passion fait des choses inertes un drame. […]

  On met en œuvre de la pierre, du bois, du ciment ; on en fait des maisons, des palais ; c’est de la construction. L'ingéniosité travaille.

  Mais, tout à coup, vous me prenez au cœur, vous me faites du bien, je suis heureux, je dis : c’est beau. Voilà l’architecture. L'art est ici.

  Ma maison est pratique. Merci, comme merci aux ingénieurs des chemins de fer et à la Compagnie des Téléphones. Vous n'avez pas touché mon coeur.

  Mais les murs s'élèvent sur le ciel dans un ordre tel que j'en suis ému. Je sens vos intentions. Vous étiez doux, brutal, charmant et digne. Vos pierres me le disent. Vous m'attachez à cette place et mes yeux regardent. Mes yeux regardent quelque chose qui énonce une pensée. Une pensée qui s'éclaire sans mots ni sons, mais uniquement par des prismes qui ont entre eux des rapports. Ces prismes sont tels que la lumière les détaille clairement. Ces rapports n'ont trait à rien de nécessairement pratique ou descriptif. Ils sont une création mathématique de votre esprit. Ils sont le langage de l'architecture. Avec des matériaux inertes, sur un programme plus ou moins utilitaire que vous débordez, vous avec établi des rapports qui m'ont ému. C'est l'architecture."

 

Le CorbusierVers une architecture, 1923, éd. G. Crès, 1924, p. 121-123.


 

  "Depuis la préhistoire, les hommes sont des bâtisseurs. Maintes formes d’art sont nées et ont disparu. La tragédie apparaît avec les Grecs pour mourir avec eux et ne voir renaître, de longs siècles plus tard, que ses « règles » de fabrication. Le poème épique, qui remonte à l’enfance des peuples, a disparu en Europe à la fin de la Renaissance. Le tableau de chevalet est une création du Moyen Âge et rien ne garantit qu’il doive durer indéfiniment. En revanche, le besoin de l’humain de se loger est permanent. L’architecture n’a jamais chômé. Son histoire est plus longue que celle de n'importe autre art et, pour rendre compte de la relation qui lie les masses à l'œuvre d'art, il est important de penser aux effets que cet art exerce sur elles. Les édifices font l'objet d'une double réception : par l'usage et par la perception. En termes plus précis : d'une réception tactile et d'une réception visuelle. On méconnaît du tout au tout le sens de cette réception si on se la représente à la manière de la réception recueillie, bien connue des voyageurs qui visitent des monuments célèbres. Dans l'ordre tactile, il n'existe, en effet, aucun équivalent à ce qu'est la contemplation dans l'ordre visuel. La réception tactile se fait moins par voie d'attention que par voie d'accoutumance. Celle-ci régit même, dans une large mesure, la réception visuelle de l'architecture, réception qui, par nature, consiste bien moins dans un effort d'attention que dans une perception incidente. Or, en certaines circonstances, ce type de réception développé au contact de l'architecture acquiert une valeur canonique. Car des tâches qui s'imposent à la perception humaine aux grands tournants de l'histoire il n'est guère possible de s'acquitter par des moyens purement visuels, autrement dit par la contemplation. Pour en venir à bout, peu à peu, il faut recourir à la réception tactile, c'est-à-dire à l'accoutumance."

 

Walter Benjamin, "L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique", 1939, chapitre XV, tr. fr. Maurice de Gandillac, in Œuvres III, Folio essais, 2010, p. 311-312.
 

 

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Date de création : 06/10/2007 @ 14:22
Dernière modification : 12/01/2025 @ 17:47
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