"Le scepticisme est la faculté de mettre face à face les choses qui apparaissent aussi bien que celles qui sont pensées, de quelque manière que ce soit, capacité par laquelle, du fait de la force égale qu'il y a dans les objets et les raisonnements opposés, nous arrivons d'abord à la suspension de l'assentiment, et après cela à la tranquillité. […]
Nous ne prenons pas « raisonnements opposés » dans tous les cas au sens de l'affirmation et de la négation, mais simplement dans le sens de raisonnements en conflit. Nous appelons «force égale» l'égalité selon la conviction et la non-conviction, de sorte qu'aucun des raisonnements en conflit n'ait préséance sur un autre parce qu'il serait plus convaincant. La suspension de l'assentiment est l'arrêt de la pensée du fait duquel nous ne rejetons ni nous ne posons une chose. La tranquillité est l'absence continue de tourment et le calme de l'âme. […]
La suite de cela pourrait être de considérer la fin de la voie sceptique. Or une fin est ce en vue de quoi tout est fait ou pensé, mais qui n'est elle-même en vue de rien d'autre ; c'est aussi l'objet final des désirs. Nous disons jusqu'à présent que la fin du sceptique, c'est la tranquillité en matière d'opinions et la modération des affects dans les choses qui s'imposent à nous. Car ayant commencé à philosopher en vue de décider entre les impressions et de saisir lesquelles sont vraies et lesquelles sont fausses en sorte d'atteindre la tranquillité, il tomba dans le désaccord entre partis de forces égales ; étant incapable de décider, il suspendit son assentiment. Et pour celui qui avait suspendu son assentiment, la tranquillité en matière d’opinions s’ensuivit fortuitement."
Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes (IIe-IIIe siècle), Livre I, § 8, 10, 25-26, tr. fr. Pierre Pellegrin, Seuil, Points essais, 1997, p. 57-59 et 69-71.
"Il serait ensuite à propos d'exposer la fin de l'orientation sceptique. La fin, c'est le but de toute action ou considération, elle est elle-même sans but et c'est le dernier point où l'on tend. Nous disons jusqu'à présent que la fin du Sceptique est l'ataraxie en matière d'opinion et la modération dans ce qui est nécessaire. Après avoir commencé à philosopher sur la distinction des représentations et sur la connaissance des vraies et des fausses, de manière à atteindre l'ataraxie, il est tombé sur une discordance d'égale force qu'il s'est abstenu, faute de pouvoir le faire, de trancher ; à cette suspension du jugement, par un heureux hasard, a fait suite l'ataraxie à l'égard de ce qui est objet d'opinion. Car celui qui croit qu'une chose est par nature bonne ou mauvaise se trouble à tout propos ; lorsque ce qui lui semble un bien n'est pas à sa disposition, il pense qu'il subit en châtiment des maux réels, et il poursuit le bien, à son avis ; après l'avoir précisément atteint, il tombe dans de plus nombreux troubles pour s'élever contrairement à la raison et sans mesure, et dans la crainte de tout changement, il fait en sorte de ne pas perdre ce qu'il estime un bien. Mais celui qui est dans l'incertitude de la nature des biens ou des maux ne fuit rien, ne poursuit rien avec effort ; aussi jouit-il de l'ataraxie. Ce que l'on raconte du peintre Apelle arrive d'ordinaire au Sceptique. Peignant, dit-on, un cheval et ayant voulu reproduire par le dessin l'écume du cheval, il échoua au point de renoncer et de jeter sur le tableau l'éponge avec laquelle il enlevait les couleurs des pinceaux ; et celle-ci, par contact, reproduisit l'écume du cheval. Les Sceptiques espéraient donc parvenir à l'ataraxie en jugeant de la différence qui existe entre les apparences et les concepts ; faute de pouvoir le faire, ils suspendirent le jugement ; par un heureux hasard, l'ataraxie suivit pour eux la suspension du jugement, tout comme l'ombre suit le corps."
Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, I, chap. 12, § 25-29, trad. De J. Grenier et G. Goron, Paris, Éd. Aubier-Montaigne, 1948, p. 163-164.
"Les sceptiques plus récents[1] nous ont transmis cinq modes de la suspension de l'assentiment: le premier qui part du désaccord, le second, selon lequel on est renvoyé à l'infini, le troisième selon le relatif; le quatrième est l'hypothétique, le cinquième le diallèle.
Celui qui part du désaccord est celui par lequel nous découvrons qu'à propos de la chose examinée il s'est trouvé, aussi bien dans la vie quotidienne que parmi les philosophes, une dissension indécidable qui nous empêche de choisir quelque chose ou de le rejeter, nous menant finalement à la suspension de l'assentiment. Celui qui s'appuie sur la régression à l'infini est celui dans lequel nous disons que ce qui est fourni en vue d'emporter la conviction sur la chose proposée à l'examen a besoin d'une autre garantie, et celle-ci d'une autre, et cela à l'infini, de sorte que, n'ayant rien à partir de quoi nous pourrons commencer d'établir quelque chose, la suspension de l'assentiment s'ensuit. Le mode selon le relatif ; comme nous l'avons dit plus haut est celui dans lequel l'objet réel apparaît ici tel ou tel relativement à ce qui le juge et à ce qui est observé conjointement, et sur ce qu'il est selon la nature nous suspendons notre assentiment. Nous avons le mode qui part d'une hypothèse quand les dogmatiques étant renvoyés à l'infini, ils partent de quelque chose qu'ils n'établissent pas mais jugent bon de prendre simplement et sans démonstration, par simple consentement. Le mode du diallèle arrive quand ce qui sert à assurer la chose sur laquelle porte la recherche a besoin de cette chose pour emporter la conviction ; alors n'étant pas capables de prendre l'un pour établir l'autre, nous suspendons notre assentiment sur les deux."
Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, I, 15, tr. fr. Pierre Pellegrin, Seuil, Points essais, 1997, p. 141-143.
[1] Notamment Agrippa et ses partisans, d'après Diogène Laërce (IX, 88).
"Comme il y a un désaccord au sujet du vrai parmi les dogmatiques[1], puisque les uns disent qu'il existe quelque chose de vrai, alors que d'autres disent qu'il n'existe rien de vrai, il n'est pas possible de trancher ce désaccord; en effet celui qui dit qu'il existe quelque chose de vrai n'emportera pas la conviction s'il le dit sans démonstration, à cause du désaccord, et s'il veut apporter une démonstration et qu'il convient qu'elle est fausse, il n'emportera pas la conviction, mais s'il dit que la démonstration est vraie, il tombe dans l'argument du diallèle[2], et on lui demandera aussi,une démonstration de ce que cette démonstration est vraie, et une autre pour celle-là, à l'infini. Mais il est impossible de démontrer à l'infini; il est donc aussi impossible de savoir s'il existe quelque chose de vrai.
De plus le « quelque chose », dont ils disent qu'il est la classe la plus générale, est soit vrai, soit faux, soit ni faux ni vrai, soit et faux et vrai. S'ils disent qu'il est faux, ils conviendront que tout est faux, car de même que tous les animaux particuliers sont animés, puisque l'animal est animé, de même si le plus général de tout – le « quelque chose » - est faux, toutes les choses particulières seront aussi fausses et rien ne sera vrai. Nous en conclurons que rien n'est faux ; en effet les expressions elles-mêmes « tout est faux » et « il existe quelque chose de faux », appartenant à l'ensemble de toutes les choses, seront fausses. Mais si le « quelque chose » est vrai, tout sera vrai. D'où on conclura à nouveau que rien n'est vrai, s'il est vrai que cela – je veux dire « que rien n'est vrai » -, étant une chose qui existe réellement, est vrai. Si le « quelque chose » est à la fois faux et vrai, chaque chose particulière sera aussi fausse et vraie. De là on conclura que rien n'est vrai par nature ; en effet ce qui a une nature telle qu'il est vrai ne saurait en aucun cas être faux. Et si le « quelque chose » n'est ni faux ni vrai, on conviendra que toutes les choses particulières elles aussi, dont on dira qu'elles ne sont ni fausses ni vraies, ne seront pas vraies. Et pour ces raisons l'existence du vrai nous demeurera obscure."
Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes (IIe-IIIe siècle ), Livre II, § 85-87, trad. Pierre Pellegrin, Seuil, Points Essais, 1997, p. 247-249.
[1] Sextus Empiricus nomme ainsi les philosophes rationalistes, qui admettent la possibilité d'une connaissance de la réalité (plus particulièrement : Aristote, Épicure, les stoïciens).
[2] Diallèle : équivalent d'un "cercle vicieux" qui mène à une suspension de l'assentiment.
"Quiconque cherche une chose en arrive à ceci : ou à dire qu'il l'a trouvée, ou qu'elle ne peut pas être trouvée ou qu'il est encore à chercher. Toute la philosophie est divisée entre ces trois genres. Son dessein est de rechercher la vérité, la science et la certitude. Les péripatéticiens, les épicuriens, les stoïciens et d'autres ont pensé les avoir trouvées. Ces philosophes ont établi les sciences que nous avons et les ont traitées comme des connaissances certaines. Carnéade et les académiciens ont désespéré de leur recherche et jugé que la vérité ne pouvait pas se concevoir par nos moyens. La conclusion de ceux-ci, c'est la faiblesse et l’ignorance humaines ; ce parti a eu le plus grand nombre de sectateurs et les plus nobles. [...]
Notre langage a ses faiblesses et ses imperfections, comme tout le reste. La plupart des troubles du monde sont d'ordre grammatical. Nos procès ne naissent que des discussions sur l'interprétation des lois [...]. Prenons la proposition que la logique elle-même nous présentera comme la plus claire. Si vous dites : « Il fait beau temps » et que vous disiez la vérité, il fait donc beau temps. Ne voilà-t-il pas une manière de parler sûre ? Cependant elle nous trompera. […] Si vous dites : « Je mens » et que vous disiez la vérité, vous mentez donc. La technique, le raisonnement, la force de cette proposition-ci sont semblables à [ceux de] l'autre ; toutefois nous voilà embourbés.
Je vois les philosophes pyrrhoniens qui ne peuvent exprimer leur conception générale par aucune façon de parler, car il leur faudrait un nouveau langage ; le nôtre est entièrement formé de propositions affirmatives qui ne s'accordent pas du tout à leur pensée, en sorte que lorsqu'ils disent : « Je doute », on les prend immédiatement à la gorge pour leur faire avouer qu'ils savent au moins et sont sûrs qu'ils doutent […] Cette idée se conçoit plus sûrement par une interrogation: « Que sais-je ? »[1] comme je la porte avec l'emblème d'une balance."
Montaigne, Essais (1580-1592), t. II, chap. 12, trad. en français moderne par A. Lanly, Honoré Champion, 1989.
"Pyrrhon et d'autres sceptiques [...] disent qu'ils sont encore à la recherche de la vérité. Ils jugent que ceux qui pensent l'avoir trouvée se trompent infiniment et qu'il y a aussi de la vanité trop hardie dans le second échelon qui assure que les forces humaines ne sont pas capables de l'atteindre […] Établir la mesure de notre pouvoir de connaître et juger la difficulté des choses, c'est une grande et suprême science dont ils doutent que l'homme soit capable. [...] L'ignorance qui se connaît, qui se juge et qui se condamne n'est pas une entière ignorance : pour l'être, il faut qu'elle s'ignore elle-même. En sorte que l'attitude professée par les pyrrhoniens est de balancer, de douter et chercher, de ne se tenir pour sûr et certain de rien. Des trois fonctions de l'âme, l'intelligence, l'affectivité et le jugement, ils admettent les deux premières ; quant à la dernière, ils la suspendent, ils la gardent indécise, sans penchant ni approbation, si légère soit-elle, d'un côté ou d'un autre [Les pyrrhoniens] s'exemptent par la de tout sectarisme au sujet de leur doctrine […] Ils ne craignent pas la contradiction dans leurs controverses, […] ils cherchent qu'on les contredise pour engendrer le doute et la suspension du jugement, qui est leur fin. Ils n'avancent leurs opinions que pour combattre celles qu'ils pensent que nous tenons pour vraies."
Montaigne, Essais (1580-1592), t. II, chap. 12, trad. en français moderne par A. Lanly, Honoré Champion, 1989.
[1] En 1576, Montaigne fit graver une médaille qui est une profession de foi pyrrhonienne : deux plateaux d’une balance symbolisent l’impuissance de son jugement à pencher d’un côté plutôt que d’un autre. On y lit sa devise "Que sais-je ?", devise qui a beaucoup contribué à faire passer Montaigne, à tort, pour un sceptique.
"En fin de compte, il n'y aucune existence assurée et permanente ni de notre être ni de celui des objets. Et nous, et notre jugement, et toutes les choses mortelles nous coulons et nous roulons sans cesse. Ainsi rien de certain ne peut être établi de l'un à l'autre, le jugeant et le jugé étant dans un changement et un mouvement continuels.
Nous n'avons aucune participation à « l'être » parce que toute nature humaine est toujours à mi-chemin entre la naissance et la mort, ne donnant d'elle-même qu'une image obscure et voilée, et une opinion incertaine et faible. Et si par hasard vous mettez votre pensée à essayer de saisir son essence, Ce ne sera ni plus ni moins que si quelqu'un voulait prendre une poignée d'eau; car plus il serrera et pressera ce qui, de par sa nature, coule partout, plus il perdra ce qu'il voulait tenir et empoigner. Ainsi, toutes choses étant soumises [à l'obligation] de passer d'un changement à un autre, la raison, cherchant en elles une stabilité réelle, se trouve déçue, ne pouvant rien appréhender de stable et de permanent parce que tout, ou est en train de venir à l'existence, mais n'existe pas encore tout à fait, ou commence à mourir avant d'être né.
[...] De façon que ce qui commence à naître ne parvient jamais jusqu'à la perfection « d'être » pour la raison que ce naître ne s'achève jamais et jamais ne s'arrête comme une chose qui serait arrivée à son terme."
Montaigne, Essais (1580, 1588, posth., 1595), livre II, chap. 12, adaptation A. Lanly, Honoré Champion, 1989, Gallimard, Quarto, 2009, p.734-735.
"Il s'en trouve d'autres, au contraire [des esprits faux], qui, ayant assez de lumières pour connaître qu'il y a quantité de choses obscures et incertaines, et voulant, par une autre sorte de vanité, témoigner qu'ils ne se laissent pas aller à la crédulité populaire, mettent leur gloire à soutenir qu'il n'y a rien de certain : ils se déchargent ainsi de la peine de les examiner et, sur ce mauvais principe, ils mettent en doute les vérités les plus constantes, et la Religion même. C'est la source du Pyrrhonisme, qui est une autre extravagance de l'esprit humain, qui, paraissant contraire à la témérité de ceux qui croient et décident tout, vient néanmoins de la même source, qui est le défaut d'attention ; car comme les uns ne veulent pas se donner la peine de discerner les erreurs, les autres ne veulent pas prendre celle d'envisager la vérité avec le soin nécessaire pour en apercevoir l'évidence. La moindre lueur suffit aux uns pour les persuader de choses très fausses ; et elle suffit aux autres pour les faire douter des choses les plus certaines : mais, dans les uns et dans les autres, c'est le même défaut d'application qui produit des effets si différents.
La vraie raison place toutes choses dans le rang qui leur convient ; elle fait douter de celles qui sont douteuses, rejeter celles qui sont fausses, et reconnaître de bonne foi celles qui sont évidentes, sans s'arrêter aux vaines raisons des Pyrrhoniens, qui ne détruisent pas l'assurance raisonnable que l'on a des choses certaines, non pas même dans l'esprit de ceux qui les proposent. Personne ne douta jamais sérieusement qu'il y a une terre, un soleil et une lune, ni si le tout est plus grand que sa partie. On peut bien faire dire extérieurement à sa bouche qu'on en doute, parce que l'on peut mentir ; mais on ne peut pas le faire dire à son esprit. Ainsi le Pyrrhonisme n'est pas une secte de gens qui soient persuadés de ce qu'ils disent, mais c'est une secte de menteurs. Aussi se contredisent-ils souvent en parlant de leur opinion, leur cœur ne pouvant s'accorder avec leur langue, comme on peut le voir dans Montaigne, qui a tâché de le renouveler au dernier siècle"
Antoine Arnauld et Pierre Nicole, La logique ou l'art de penser, 1662, Champs Flammarion, 1978, p. 38-39.
"Le scepticisme ne convient pas à tout le monde. Il suppose un examen profond et désintéressé : celui qui doute parce qu'il ne connaît pas les raisons de crédibilité n'est qu'un ignorant. Le vrai sceptique a compté et pesé les raisons. Mais ce n'est pas une petite affaire que de peser des raisonnements. Qui de nous en connaît exactement la valeur ? Qu'on apporte cent preuves de la même vérité, aucune ne manquera de partisans. Chaque esprit a son télescope. C'est un colosse à mes yeux que cette objection qui disparaît aux vôtres : vous trouvez légère une raison qui m'écrase. Si nous sommes divisés sur la valeur intrinsèque, comment nous accorderons-nous sur le poids relatif ? Dites-moi, combien faut-il de preuves morales pour contre-balancer une conclusion métaphysique ? Sont-ce mes lunettes qui pèchent ou les vôtres ? Si donc il est si difficile de peser des raisons, et s'il n'est point de questions qui n'en aient pour et contre, et presque toujours à égale mesure, pourquoi tranchons-nous si vite ? D'où nous vient ce ton si décidé ? N'avons-nous pas éprouvé cent fois que la suffisance dogmatique révolte ? « On me faict haïr les choses vraisemblables, dit l'auteur des Essais (Liv. III, ch. xi), quand on me les plante pour infaillibles : I'aime ces mots qui amollissent et modèrent la témérité de nos propositions ; à l'adventure, aulcunement, quelque, on dict, ie pense, et semblables : et si i'eusse eu à dresser des enfants, ie leur eusse tant mis en la bouche cette façon de respondre enquestante, non résolutive : qu'est-ce à dire ? Ie ne l'entends pas, Il pourrait estre, est-il vray ? qu'ils eussent plustost gardé la forme d'apprentis à soixante ans que de représenter les docteurs à dix ans, comme ils font. »"
Diderot, Pensées philosophiques, 1746, XXIV.
"Un pyrrhonien ne peut s'attendre à ce que sa philosophie ait une influence constante sur l'esprit; ou, si elle en a, que son influence soit bienfaisante pour la société, Au contraire, il lui faut reconnaître, s'il veut reconnaître quelque chose, qu'il faut que périsse toute vie humaine si ses principes prévalaient universellement et constamment. Toute conversation et toute action cesseraient immédiatement, et les hommes resteraient dans une léthargie totale jusqu'au moment où l'inassouvissement des besoins naturels mettrait une fin à leur misérable existence. Il est vrai, un événement aussi fatal est très peu à craindre. La nature est toujours trop puissante pour les principes. Bien qu'un pyrrhonien puisse se jeter, lui et d'autres, dans une confusion et un étonnement momentanés par ses profonds raisonnements, le premier et le plus banal événement de la vie fera s'envoler tous ses doutes et tous ses scrupules, et il le laisse identique, en tout point, pour l'action et pour la spéculation, aux philosophes de toutes les autres sectes et à tous les hommes qui ne se sont jamais souciés de recherches philosophiques. Quand il s'éveille de son rêve, il est le premier à se joindre au rire qui le ridiculise […]
Il y a, certes, un scepticisme plus mitigé, une philosophie académique, qui peut être à la fois durable et utile et qui peut, en partie, résulter du pyrrhonisme, de ce scepticisme outré, quand on en corrige, dans une certaine mesure, le doute indifférencié par le sens commun et la réflexion. Les hommes, pour la plupart, sont naturellement portés à être affirmatifs et dogmatiques dans leurs opinions; comme ils voient les objets d'un seul côté et qu'ils n'ont aucune idée des arguments qui servent de contrepoids, ils se jettent précipitamment dans les principes vers lesquels ils penchent, et ils n'ont aucune indulgence pour ceux qui entretiennent des sentiments opposés. Hésiter, balancer, embarrasse leur entendement, bloque leur passion et suspend leur action. Ils sont donc impatients de s'évader d'un état qui leur est aussi désagréable, et ils pensent qu'ils ne peuvent s'en écarter assez loin par la violence de leurs affirmations et l'obstination de leurs croyances. Mais si de tels raisonneurs dogmatiques pouvaient prendre conscience des étranges infirmités de l'esprit humain, même dans son état de plus grande perfection, même lorsqu'il est le plus précis et le plus prudent dans ses décisions, une telle réflexion leur inspirerait naturellement plus de modestie et de réserve et diminuerait l'opinion avantageuse qu'ils ont d'eux-mêmes et leur préjugé contre leurs adversaires [...]. En général, il y a un degré de doute, de prudence et de modestie qui, dans les enquêtes et les décisions de tout genre, doit toujours accompagner l'homme qui raisonne correctement".
Hume, Enquête sur l'entendement humain, 1748, section XII, trad. A. Leroy, Éd. Aubier, 1947, p. 216-217.
"En vérité, Philon, ajouta Cléanthe, quoiqu'un homme, après avoir profondément réfléchi sur les contradictions et les imperfections innombrables, qui sont l'apanage de la raison humaine, puisse, dans un accès de mauvaise humeur, abjurer toutes les croyances et les opinions, il est certain qu'il ne pourra ni persister dans un scepticisme absolu, ni joindre pendant quelques heures la pratique à la théorie. Les objets extérieurs l'assiègent, les passions l'entraînent, sa mélancolie philosophique se dissipe. Il a beau se faire violence, jamais son humeur ne pourra se plier au misérable rôle du sceptique. Eh ! quel motif le porterait à se faire une pareille violence ? Il ne saurait trouver des raisons qui le contenteraient d'une manière analogue à ses principes. En un mot, rien ne serait plus ridicule que le système des anciens pyrrhoniens, s'il est vrai, comme on le prétend, qu'ils aient fait des efforts pour répandre partout le même scepticisme qu'ils avaient appris dans les déclamations publiques de leurs maîtres et qu'ils auraient dû garder pour eux seuls."
Hume, Dialogues sur la religion naturelle, 1779, Première partie, Vrin, 1973, p. 13-14.
"Si douter de tout est un signe de folie, ne douter de rien est le signe d'une extravagance orgueilleuse. La vraie sagesse détrompée par l'expérience se défie de ses forces, et ne cesse de douter que lorsqu'elle voit la certitude et l'évidence. […]
On blâme avec raison un scepticisme qui affecte de ne rien savoir, de n'être sûr de rien, de jeter du doute sur toutes les questions. Dès que nous serons raisonnables, nous saurons distinguer les choses sur lesquelles nous devons douter de celles dont nous pouvons acquérir la certitude. Ainsi, ne doutons point des vérités évidentes que tous nos sens s'accordent à nous montrer, que le témoignage du genre humain nous confirme, que des expériences invariables constatent à tout moment pour nous. Ne doutons point de notre existence propre ; ne doutons point de nos sensations constantes et réitérées ; ne doutons point de l'existence du plaisir et de la douleur ; ne doutons point que l'un ne nous plaise et l'autre ne nous déplaise ; par conséquent ne doutons point de l'existence de la vertu, si nécessaire à notre être et au soutien de la société ; ne doutons pas que cette vertu ne soit préférable au vice qui détruit cette société, et au crime qui la trouble ; ne doutons point que le despotisme ne soit un fléau pour les États et que la liberté affermie par les Lois ne soit un bien pour eux ; ne doutons point que l’union et la paix ne soient des biens réels, et que l’intolérance, le zèle, le fanatisme religieux ne soient des maux réels, qui dureront aussi longtemps que les peuples seront superstitieux.
S'il n'est point permis à des êtres raisonnables de douter des vérités qui leur sont démontrées par l'expérience de tous les siècles, il leur est permis d'ignorer et de douter de la réalité des objets qu'aucun de leurs sens ne leur a jamais fait connaître ; qu'ils en doutent surtout quand les rapports qu'on leur en fait seront remplis de contradictions et d’absurdités ; quand les qualités qu’on leur assignera se détruiront réciproquement, quand malgré tous les efforts de l'esprit il sera toujours impossible de s'en former la moindre idée. Qu'il nous soit donc permis de douter de ces dogmes théologiques, de ces mystères ineffables, incompréhensibles même pour ceux qui les annoncent ; doutons de la nécessité de ces cultes si contraires à la raison ; osons douter des révélations prétendues, des préceptes révoltants, des histoires si peu probables que des Prêtres intéressés débitent aux nations pour des vérités constantes. Doutons des titres de la mission de ces imposteurs qui nous parlent toujours au nom d’une divinité qu’ils avouent ne point connaître. Doutons de l'utilité de ces religions qui ne se sont illustrées que par les maux dont elles ont accablé le genre humain. Doutons des principes de ces Théologiens impérieux qui ne furent jamais d'accord entre eux, sinon pour égarer les peuples et faire naître partout des querelles et des combats. Doutons de la réalité de ces vertus divines et surnaturelles qui rendent les hommes engourdis, inutiles et nuisibles, et qui leur font attendre dans le ciel la récompense du mal qu’ils se seront faits à eux-mêmes ici-bas, ou qu'ils auront fait aux autres. L'inutilité et les dangers des préjugés religieux ne peuvent être douteux que pour ceux qui jamais n’en ont envisagé les conséquences fatales ou qui refusent de se rendre à l'expérience de tous les âges.
On voit donc que le scepticisme philosophique a des bornes fixées par la raison."
Paul-Henri Thiry D'Holbach, Essai sur les préjugés, 1770, Chapitre XI, in Œuvres philosophiques complètes, tome II, Éditions Alive, 1999, p. 113-114 et p. 115-116.
"Il paraît évident que la dispute élevée entre les sceptiques et les dogmatiques n'est qu'une dispute de mots, et n’a rapport qu'avec les degrés de doute et d'assurance que nous devons adopter pour toutes sortes de raisonnements. Et, dans le fond, ces sortes de disputes ne sont que des équivoques et n'admettent aucun sens déterminé. Il n'est pas de philosophe dogmatique qui puisse nier qu'il y ait des difficultés soit par rapport aux sens, soit par rapport à toutes les sciences, et que toutes ces difficultés ne sauraient être absolument résolues, même en suivant une méthode dialectique (ici technique du raisonnement) et régulière. Il n'est pas de sceptique qui nie que, nonobstant ces difficultés, nous ne soyons soumis à une absolue nécessité de penser, de croire et de raisonner relativement à toutes les espèces de sujets, et même d’assurer fréquemment avec confiance et sécurité. Ainsi la seule différence qui se trouve entre ces deux sectes, si tant est qu'elles méritent ce nom, c'est que le sceptique, par habitude, par caprice, ou par inclination, insiste le plus sur les difficultés et le dogmatique, par des raisons pareilles, sur la nécessité."
Hume, Dialogues sur la religion naturelle, 1779, Douzième partie, Note, Vrin, 1973, p. 117-118.
"Il y a un principe du doute consistant dans la maxime de traiter les connaissances de façon à les rendre incertaines et à montrer l'impossibilité d'atteindre à la certitude. Cette méthode de philosophie est la façon de penser sceptique ou le scepticisme. [...]
Mais autant ce scepticisme est nuisible, autant est utile et opportune la méthode sceptique, si l'on entend seulement par là la façon de traiter quelque chose comme incertain et de le conduire au plus haut degré de l'incertitude dans l'espoir de trouver sur ce chemin la trace de la vérité. Cette méthode est donc à proprement parler une simple suspension du jugement. Elle est fort utile au procédé critique par quoi il faut entendre cette méthode de philosophie qui consiste à remonter aux sources des affirmations et objections, et aux fondements sur lesquels elles reposent, méthode qui permet d'espérer atteindre à la certitude."
Kant, Logique, trad. L. Guillermit, Vrin, 1970, p. 94.
"On raconte une anecdote sur Pyrrhon, le fondateur du pyrrhonisme (lequel est l'ancien nom du scepticisme). Il affirmait que nous ne savons jamais assez pour être sûrs qu'une manière d'agir est plus sage qu'une autre : dans sa jeunesse, un après-midi qu'il faisait sa promenade quotidienne, il aperçut son maître de philosophie, auquel il avait emprunté ses principes, la tête plongée dans un fossé et impuissant à se dégager. Après l'avoir contemplé quelque temps, il continua sa promenade, considérant qu'il n'y avait pas une raison suffisante de penser qu'il ferait une bonne action en retirant le vieillard du fossé. D'autres, moins sceptiques, le sauvèrent et reprochèrent à Pyrrhon sa cruauté. Mais son maître, fidèle à ses principes, le loua pour sa logique. Or, je ne défends pas un scepticisme aussi héroïque. Je suis prêt à admettre les croyances ordinaires du sens commun, en pratique, sinon en théorie. Je suis prêt à reconnaître tout résultat scientifique bien établi, non comme absolument vrai, mais comme suffisamment probable pour fournir la base d'une action rationnelle. Quand on prédit une éclipse de lune pour une certaine date, je pense que cela vaut la peine d'aller voir et de se convaincre si elle se produit. Pyrrhon n'aurait pas pensé ainsi. Pour cette raison, je me crois justifié si j'affirme que je défends une position moyenne.
Il y a des sujets sur lesquels s'accordent ceux qui les ont étudiés : par exemple, les dates des éclipses. Il y en a d'autres sur lesquels les spécialistes ne sont pas d'accord. Même quand ils sont tous d'accord, ils peuvent bien se tromper. L'opinion d'Einstein sur l'importance de la déviation subie par la lumière sous l'influence de la gravitation aurait été rejetée par tous les spécialistes il y a vingt ans, et pourtant c'est elle qui s'est trouvée vraie. Néanmoins, l'opinion des spécialistes, quand elle est unanime, doit être considérée par les non-spécialistes comme plus probablement vraie que l'opinion opposée. Le scepticisme dont je suis partisan se ramène à ceci seulement : 1° : que lorsque les spécialistes sont d'accord, l'avis opposé ne peut être considéré comme certain; 2° : que lorsqu'ils ne sont pas d'accord, aucun avis ne peut être considéré comme certain par le non-spécialiste ; et 3° : que lorsqu'ils estiment tous qu'il n'y a aucune raison suffisante pour un avis certain, l'homme ordinaire ferait bien de suspendre son jugement."
Bertrand Russell, Essais sceptiques, 1933, trad. A. Bernard, Éd. Rieder, p. 8-9.
"De grandes différences existent entre les scepticismes ancien et moderne, qui ne sont pas seulement dues à l'énorme distance séparant leurs contextes historiques. Pour nous, un « sceptique » est quelqu'un qui doute que les humains soient à même d'acquérir une connaissance adéquate du monde à l'aide des outils théoriques dont ils disposent, principalement la perception et la raison. Que l'on ait communément attribué une telle position aux sceptiques anciens vient sans doute, entre autres causes, du fait qu'Henri Estienne ait choisi de traduire le verbe grec aporein par « dubito ». Or le verbe aporein et le substantif aporia - rendu dans la présente traduction par « aporie » - indiquent, suivant leur étymologie, le fait de ne pas pouvoir se frayer un chemin vers quelque but du fait d'un obstacle insurmontable. Être dans une aporie, c'est donc être dans un embarras et une perplexité qui interdisent toute décision. On ne peut pas dire que le sceptique ancien doute de l'existence du monde extérieur, ou doute que l'induction nous donne une connaissance adéquate des choses. Le sceptique ancien se trouve sur chaque question devant des affirmations opposées auxquelles il accorde une égale force de conviction, ce qui l'amène à ne donner son assentiment ni à l'une ni à l'autre.
Le doute sceptique au sens moderne serait pour les sceptiques anciens une forme de dogmatisme. […] est déclaré « dogmatique » un philosophe – ou une philosophie – qui soutient des opinions (c'est le sens du mot dogma) sur ce qu'il prétend être le réel. Le dogmatique tiendra donc pour vraies des assertions du type « le ciel est bleu » ou « le monde extérieur existe ». Pour résumer, sous une forme extrême, cette confiance en eux des dogmatiques, Sextus [Empiricus] les définit, au tout début des Esquisses pyrrhoniennes, comme ceux qui « ont déclaré qu'ils avaient découvert le vrai » (I, 2). Or ce que les néopyrrhoniens (c'est-à-dire les sceptiques à partir d'Enésidème) en général et Sextus en particulier reprochent aux néo-académiciens, leurs concurrents en scepticisme, c'est […] de tomber dans une forme de dogmatisme en affirmant que le vrai ne saurait être atteint et qu'il est donc impossible de faire des assertions du type de celles que font les dogmatiques. Autrement dit, selon les néo-pyrrhoniens, les néo-académiciens seraient des sceptiques au sens moderne du terme. Plutôt que de nous demander si ce reproche adressé aux néo-académiciens est fondé ou non, nous nous en servirons pour caractériser la démarche sceptique. Quand les sceptiques disent qu'ils continuent de chercher, il faut entendre par là qu'ils sont dans l'aporie à propos de la question en cours – ne pouvant donner leur assentiment à aucune des thèses opposées, par exemple : le monde extérieur existe ou n'existe pas –, mais aussi que rien ne leur permet d'affirmer que cette recherche est désespérée.
Car ce à quoi le sage sceptique ne doit pas donner son assentiment, ou, pour reprendre un terme d'origine vraisemblablement stoïcienne mais qui devint vite l'un des concepts clefs du scepticisme, ce à propos de quoi il doit pratiquer la « suspension » (epokhê) de l'assentiment, ce n'est point le fait que dans telles circonstances déterminées il ressente des affects et des impressions. Ce qui est indécidable, c'est si oui ou non ces impressions correspondent à quelque chose de réel en dehors du sujet. Le sceptique ne fera nulle difficulté pour dire : « Ce miel, à cet instant, me semble doux. » Il refusera d'inférer de cette impression que « le miel est doux », ce qui serait accepter une « opinion » (doxa, dogma).
Le sceptique vivra donc « sans opinion » (adoxastôs). Ce qui ne l'empêchera nullement de mener une existence finalement « normale », fondée sur l'observation des règles de la vie sociale ordinaire. « Cette observation des règles de la vie quotidienne semble avoir quatre aspects : l'un consiste dans la conduite de la nature, un autre dans la nécessité de nos affects, un autre dans la tradition des lois et des coutumes, un autre dans l'apprentissage des arts » (I, 23). Ainsi le sceptique pourra-t-il manger du miel quand il aura envie de douceur, accepter d'être prêtre dans sa cité comme l'avait fait Pyrrhon ou exercer un métier. Bien plus,le sceptique peut adhérer à certaines pratiques sociales et même à certaines croyances, il peut pratiquer des arts parfois fort complexes comme la médecine, tout cela à condition de n'appuyer cette sorte d'assentiment sur aucune thèse concernant la réalité du monde extérieur. Le sceptique n'a donc pas l'impression d'être atteint par les critiques, fréquentes, de ceux qui prétendent que l'attitude sceptique condamne à l'impossibilité d'agir (apraxia). Il est sûr, à l'inverse, que l'adhésion du sceptique à des croyances, valeurs et savoir-faire, du fait qu'elle a été séparée de toute thèse concernant leur rapport avec le « réel », a perdu pour ainsi dire tout l'enjeu qui s'attache d'ordinaire aux croyances, aux valeurs et aux savoir-faire. Ainsi l'adhésion du sceptique se fait-elle hors du bruit et de la fureur des querelles humaines. C'est ce que Sextus appelle joliment « la modération des affects dans les choses qui s'imposent à nous » (I, 25). Si donc le sceptique paraît hors d'atteinte du malheur, ce n'est point parce qu'il sait, par une tension extrême de sa volonté, rester indifférent aux coups de la fortune. Loin de l'orgueil du sage stoïcien, Sextus reconnaît sans ambages qu'il n'est pas vrai que « le sceptique est complètement exempt de perturbation, [...] parfois il frissonne, a soif... » (I, 29). Mais, assurément, les « coups de la fortune » sont bien amortis pour celui qui s'interdit de décider s'ils sont ou non réellement un mal."
Pierre Pellegrin, Introduction aux Esquisses pyrhonniennes, Seuil, Points essais, 1997, p. 41-43.
"Au début de Matrix, [Neo] pense qu'il vit dans une ville, qu'il a des cheveux, que nous sommes en 1999, et qu'il y a du soleil. En réalité, il flotte dans l'espace, il n'a pas de cheveux, nous sommes environ en 2199, et une guerre a assombri le monde. Le cerveau de Neo est logé dans un corps, et la simulation [qu'il subit] est contrôlée par des machines […]. Quand on évoque la possibilité d'une matrice, une question se pose immédiatement : comment puis-je savoir que je ne suis pas dans une matrice ? Après tout, il pourrait exister un cerveau dans un bocal, structuré exactement comme le mien, raccroché à une matrice par des expériences impossibles à distinguer de celles que je vis en ce moment. De l'intérieur, il n'y a aucun moyen de dire avec certitude que je ne suis pas dans la situation d'un cerveau dans un bocal. Par conséquent, il semble qu'il n'y a pas moyen de savoir avec certitude que je ne suis pas dans une matrice. [...]
L'hypothèse « Matrice » menace de ruiner presque tout ce que je sais. C'est, semble-t-il, une hypothèse sceptique."
David Chalmers, The Matrix as Metaphysics, 2003, tr. fr. Maël Lemoine, in Philosophie. Terminales L-ES-S, Bréal, 2004, p. 405.
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Date de création : 10/11/2007 @ 12:07
Dernière modification : 30/03/2022 @ 14:30
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