"Pour juger avec justesse une composition de génie, il y a tant de points de vue à prendre en considération, tant de circonstances à comparer, et une telle connaissance de la nature humaine est requise, qu'aucun homme, s'il n'est en possession du jugement le plus sain, ne fera jamais un critique acceptable pour de telles oeuvres. Et c'est une nouvelle raison pour cultiver notre goût dans les arts libéraux. Notre jugement se fortifiera par cet exercice ; nous acquerrons de plus justes notions de la vie ; bien des choses qui procurent du plaisir ou de l'affliction à d'autres personnes nous paraîtront trop frivoles pour engager notre attention ; et nous perdrons par degré cette sensibilité et cette délicatesse de la passion, qui nous est si incommode.
Mais peut-être suis-je allé trop loin en disant qu'un goût cultivé pour les arts raffinés éteint les passions, et nous rend indifférents à ces objets qui sont poursuivis si amoureusement par le reste de l'humanité. Après une réflexion plus approfondie, je trouve que cela augmente plutôt notre sensibilité à toutes les passions tendres et agréables ; en même temps que cela rend l'esprit incapable des plus grossières et des violentes émotions."
Hume, Les Essais esthétiques, 1742, Partie II : « Art et psychologie », trad. Renée Bouveresse, Vrin, 1974.
"Tous les ouvrages de l'art ont des règles générales, qui sont des guides qu'il ne faut jamais perdre de vue. […]
Les peintres et les sculpteurs ont établi les proportions qu'il faut donner au corps humain, et ont pris pour mesure commune la longueur de la face ; mais il faut qu'ils violent à chaque instant les proportions, à cause des différentes attitudes dans lesquelles il faut qu'ils mettent les corps : par exemple, un bras tendu est bien plus long que celui qui ne l'est pas. Personne n'a jamais plus connu l'art que Michel-Ange ; personne ne s'en est joué davantage. Il y a peu de ses ouvrages d'architecture où les proportions soient exactement gardées ; mais, avec une connaissance exacte de tout ce qui peut faire plaisir, il semblait qu'il eût un art à part pour chaque ouvrage.
Quoique chaque effet dépende d’une cause générale, il s'y mêle tant d'autres causes particulières, que chaque effet a, en quelque façon, une cause à part. Ainsi l'art donne les règles, et le goût les exceptions ; le goût nous découvre en quelles occasions l'art doit soumettre, et en quelles occasions il doit être soumis."
Montesquieu, Essai sur le goût, "Des règles", 1757.
"Plus on va chercher loin les définitions du goût, et plus on s'égare : le goût n'est que la faculté de juger ce qui plaît ou déplaît au plus grand nombre. Sortez de là, vous ne savez plus ce que c'est que le goût. Il ne s'ensuit pas qu'il y ait plus de gens de goût que d'autres ; car, bien que la pluralité juge sainement de chaque objet, il y a peu d'hommes qui jugent comme elle sur tous ; et, bien que le concours des goûts les plus généraux fasse le bon goût, il y a peu de gens de goût, de même qu'il y a peu de belles personnes, quoique l'assemblage des traits les plus communs fasse la beauté.
Il faut remarquer qu'il ne s'agit pas ici de ce qu'on aime parce qu'il nous est utile, ni de ce qu'on hait parce qu'il nous nuit. Le goût ne s'exerce que sur les choses indifférentes ou d'un intérêt d'amusement tout au plus, et non sur celles qui tiennent à nos besoins : pour juger de celles-ci, le goût n'est pas nécessaire, le seul appétit suffit. Voilà ce qui rend si difficiles, et, ce semble, si arbitraires les pures décisions du goût ; car, hors l'instinct qui le détermine, on ne voit plus la raison de ses décisions. On doit distinguer encore ses lois dans les choses morales et ses lois dans les choses physiques. Dans celles-ci, les principes du goût semblent absolument inexplicables. Mais il importe d'observer qu'il entre du moral dans tout ce qui tient à l'imitation : ainsi l'on explique des beautés qui paraissent physiques et qui ne le sont réellement point. J'ajouterai que le goût a des règles locales qui le rendent en mille choses dépendant des climats, des mœurs, du gouvernement, des choses d'institution ; qu'il en a d'autres qui tiennent à l'âge, au sexe, au caractère, et que c'est en ce sens qu'il ne faut pas disputer des goûts.
Le goût est naturel à tous les hommes, mais ils ne l'ont pas tous en même mesure, il ne se développe pas dans tous au même degré, et, dans tous, il est sujet à s'altérer par diverses causes. La mesure du goût qu'on peut avoir dépend de la sensibilité qu'on a reçue ; sa culture et sa forme dépendent des sociétés où l'on a vécu. Premièrement il faut vivre dans des sociétés nombreuses pour faire beaucoup de comparaisons. Secondement il faut des sociétés d'amusement et d'oisiveté ; car, dans celles d'affaires, on a pour règle, non le plaisir, mais l'intérêt. En troisième lieu il faut des sociétés où l'inégalité ne soit pas trop grande, où la tyrannie de l'opinion soit modérée, et où règne la volupté plus que la vanité ; car, dans le cas contraire, la mode étouffe le goût ; et l'on ne cherche plus ce qui plaît, mais ce qui distingue.
Dans ce dernier cas, il n'est plus vrai que le bon goût est celui du plus grand nombre. Pourquoi cela ? Parce que l'objet change. Alors la multitude n'a plus de jugement à elle, elle ne juge plus que d'après ceux qu'elle croit plus éclairés qu'elle ; elle approuve, non ce qui est bien, mais ce qu'ils ont approuvé. Dans tous les temps, faites que chaque homme ait son propre sentiment ; et ce qui est le plus agréable en soi aura toujours la pluralité des suffrages.
Les hommes, dans leurs travaux, ne font rien de beau que par imitation. Tous les vrais modèles du goût sont dans la nature. Plus nous nous éloignons du maître, plus nos tableaux sont défigurés. C'est alors des objets que nous aimons que nous tirons nos modèles ; et le beau de fantaisie, sujet au caprice et à l'autorité, n'est plus rien que ce qui plaît à ceux qui nous guident.
Ceux qui nous guident sont les artistes, les grands, les riches ; et ce qui les guide eux-mêmes est leur intérêt ou leur vanité. Ceux-ci, pour étaler leurs richesses, et les autres pour en profiter, cherchent à l'envi de nouveaux moyens de dépense. Par là le grand luxe établit son empire, et fait aimer ce qui est difficile et coûteux : alors le prétendu beau, loin d'imiter la nature, n'est tel qu'à force de la contrarier. Voilà comment le luxe et le mauvais goût sont inséparables. Partout où le goût est dispendieux, il est faux."
Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l'éducation, 1762, Livre IV, note, GF, 1960, p. 445-446.
"Pour ce qui est de l'agréable chacun se résigne ce que son jugement, fondé sur un sentiment individuel, par lequel il affirme qu'un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne. Il admet donc quand il dit : le vin des Canaries est agréable, qu'un autre corrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : il m'est agréable ; il en est ainsi non seulement pour le goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi pour ce qui plaît aux yeux et aux oreilles de chacun. L'un trouve la couleur violette douce et aimable, un autre la trouve morte et terne ; l'un préfère le son des instruments à vent, l'autre celui des instruments cordes. Discuter à ce propos pour accuser d'erreur le jugement d'autrui, qui diffère du nôtre, comme s'il s'opposait à lui logiquement, ce serait folie ; au point de vue de l'agréable, il faut admettre le principe : à chacun son goût (il s'agit du goût des sens).
Il en va tout autrement du beau. Car il serait tout au contraire ridicule qu'un homme qui se piquerait de quelque goût, pensât justifier ses prétention en disant : cet objet (l'édifice que nous voyons, le vêtement qu'un tel porte, le concert que nous entendons, le poème que l'on soumet à notre jugement) est beau pour moi. Car il ne suffit pas qu'une chose lui plaise pour qu'il ait le droit de l'appeler belle ; beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément, personne ne s'en soucie mais quand il donne une chose pour belle, il prétend trouver la même satisfaction en autrui ; il ne juge pas seulement pour lui mais pour tous et parle alors de la beauté comme si elle était une propriété d’objets ; il dit donc : la chose est belle, et s'il compte sur l'accord des autres avec son jugement de satisfaction, ce n'est pas qu'il ait constaté diverses reprises cet accord mais c'est qu'il l'exige. Il blâme s'ils jugent autrement, il leur dénie le goût tout en demandant qu'ils en aient ; et ainsi on ne peut pas dire : chacun son goût. Cela reviendrait à dire : il n'y a pas de goût, c'est-à-dire pas de jugement esthétique qui puisse légitimement prétendre l'assentiment universel."
Kant, Critique de la faculté de juger, 1790, Section I, Livre I, §7, p. 56.
"Pour juger d'objets beaux, comme tels, il faut du goût ; mais il faut du génie pour les beaux-arts eux-mêmes, c'est-à-dire pour la production de tels objets.
Si l'on considère le génie comme le talent pour les beaux-arts (ce qui est la signification propre du mot) et si l'on désire analyser à ce point de vue les facultés qui doivent s'unir pour constituer un pareil talent, il est nécessaire de déterminer exactement la différence entre la beauté naturelle, dont le jugement n'exige que le goût, et la beauté artistique, dont la possibilité exige le génie (chose dont il faut tenir compte lorsqu'on juge un tel objet).
Une beauté naturelle est une belle chose ; la beauté artistique est une belle représentation d'une chose.
Afin de juger une beauté naturelle comme telle, il n'est pas nécessaire que je possède au préalable un concept de ce que l'objet doit être en tant que chose ; en d'autres termes il ne m'est pas nécessaire de connaître la finalité matérielle (la fin), mais au contraire la simple forme, sans connaissance de la fin, plaît pour elle-même dans le jugement. Mais quand l'objet est donné comme un produit de l'art et doit être déclaré beau comme tel, il faut, puisque l'art suppose toujours une fin dans la cause (et en sa causalité), qu'un concept de ce que la chose doit être soit préalablement mis au fondement ; et puisque l'harmonie du divers en une chose avec une destination interne de celle-ci en tant que fin constitue la perfection de la chose, il faut dans le jugement sur la beauté artistique tenir compte en même temps de la perfection de la chose, alors qu'il n'en est pas du tout question dans la beauté naturelle (comme telle)."
Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, 1790, § 48, tr. fr. Alexis Philonenko, Librairie philosophique J. Vrin, 1993, p. 209-210.
"Question : Qu'est-ce que c'est pour vous le goût ?
Réponse : Une habitude. La répétition d'une chose déjà acceptée. Si on recommence plusieurs fois quelque chose cela devient du goût. Bon ou mauvais, c'est pareil, c'est toujours du goût."
Marcel Duchamp, Duchamp, Ingénieur du Temps perdu, entretiens avec P. Cabanne, Belfond, 1977.
"Contre l’idéologie charismatique qui tient les goûts en matière de culture légitime pour un don de nature, l'observation scientifique montre que les besoins culturels sont les produits de l'éducation : l'enquête établit que toutes les pratiques culturelles (fréquentation de musées, des concerts, des expositions, lecture etc.) et les préférences en matière de littérature, de peinture ou de musique, sont étroitement liées au niveau d’instruction (mesuré au titre scolaire ou au nombre d’années d’études), et secondement à l’origine sociale. Le poids relatif de l'éducation familiale et de l'éducation proprement scolaire (dont l'efficacité et la durée dépendent étroitement de l’origine sociale) varie selon le degré auquel les différentes pratiques culturelles sont reconnues et enseignées par le système scolaire, et l'influence de l'origine sociale n'est jamais aussi forte, toutes choses étant égales par ailleurs, qu'en matière de « culture libre » ou de culture d'avant-garde. À la hiérarchie socialement reconnue des arts et, à l'intérieur de chacun d'eux, des genres, des écoles ou des époques, correspond la hiérarchie sociale des consommateurs, ce qui prédispose les goûts à fonctionner comme des marqueurs privilégiés de la « classe »."
Pierre Bourdieu, La Distinction (critique sociale du jugement), 1979, Introduction, Éditions de Minuit, p. I-II.
"L'« œil » est un produit de l'histoire reproduit par l'éducation. Il en est ainsi du mode de perception artistique qui s'impose aujourd'hui comme légitime, c'est-à-dire la disposition esthétique comme capacité de considérer en elles-mêmes et pour elles-mêmes, dans leur forme et non dans leur fonction, non seulement les oeuvres désignées pour une telle appréhension, c'est-à-dire les oeuvres d'art légitimes, mais toutes les choses du monde, qu'il s'agisse des oeuvres culturelles qui ne sont pas encore consacrées - comme, en un temps, les arts primitifs ou, aujourd'hui, la photographie populaire ou le kitsch – ou des objets naturels. Le regard « pur » est une invention historique qui est corrélative de l'apparition d'un champ de production artistique autonome, c'est-à-dire capable d'imposer ses propres normes tant dans la production que dans la consommation de ses produits."
Pierre Bourdieu, La Distinction (critique sociale du jugement), 1979, Introduction, Éditions de Minuit, p. III-IV.
"En visant à déterminer comment la disposition cultivée et la compétence culturelle appréhendées au travers de la nature des biens consommés et de la manière de les consommer varient selon les catégories d'agents et selon les terrains auxquels elles s'appliquent, depuis les domaines les plus légitimes comme la peinture ou la musique jusqu'aux plus libres comme le vêtement, le mobilier ou la cuisine et, à l'intérieur des domaines légitimes, selon les « marchés », « scolaire » ou « extra- scolaire », sur lesquels elles sont offertes, on établit deux faits fondamentaux : d'une part la relation très étroite qui unit les pratiques culturelles (ou les opinions afférentes) au capital scolaire (mesuré aux diplômes obtenus) et, secondairement, à l'origine sociale (saisie au travers de la profession du père) et d'autre part le fait que, à capital scolaire équivalent, le poids de l'origine sociale dans le système explicatif des pratiques ou des préférences s'accroît quand on s'éloigne des domaines les plus légitimes."
Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, 1979, p. 12.
"Comment changent les goûts ? Est-ce qu'on peut décrire scientifiquement la logique de la transformation des goûts ?
Avant de répondre à ces questions, il faut rappeler comment se définissent les goûts, c'est-à-dire les pratiques (sports, activités de loisir, etc.) et les propriétés (meubles, cravates, chapeaux, livres, tableaux, conjoints, etc.) à travers lesquelles se manifeste le goût entendu comme principe des choix ainsi opérés.
Pour qu'il y ait des goûts, il faut qu'il y ait des biens classés, de « bons » ou de « mauvais » goûts, « distingués » ou « vulgaires », classés et du même coup classants, hiérarchisés et hiérarchisants, et des gens dotés de principes de classements, de goûts, leur permettant de repérer parmi ces biens ceux qui leur conviennent, ceux qui sont « à leur goût ». Il peut en effet exister un goût sans biens (goût étant pris au sens de principe de classement, de principe de division, de capacité de distinction) et des biens sans goût. On dira par exemple : « j'ai couru toutes les boutiques de Neuchâtel et je n'ai rien trouvé à mon goût ». Cela pose la question de savoir ce qu'est ce goût qui préexiste aux biens capables de le satisfaire (contredisant l'adage : ignoti nulla cupido, de l'inconnu il n'y a pas de désir).
Mais on aura aussi des cas où les biens ne trouveront pas les « consommateurs » qui les trouveraient à leur goût. L'exemple par excellence de ces biens qui précèdent le goût des consommateurs est celui de la peinture ou de la musique d'avant-garde qui, depuis le 19ème siècle, ne trouvent les goûts qu'elles « appellent » que longtemps après le moment où elles ont été produites, parfois bien après la mort du producteur. Cela pose la question de savoir si les biens qui précèdent les goûts (mis à part, bien sûr, le goût des producteurs) contribuent à faire les goûts ; la question de l'efficacité symbolique de l'offre de biens ou, plus précisément, de l’effet de la réalisation sous forme de biens d'un goût particulier, celui de l'artiste.
On arrive ainsi à une définition provisoire : les goûts, entendus comme l'ensemble des pratiques et des propriétés d'une personne ou d'un groupe sont le produit d'une rencontre (d'une harmonie préétablie) entre des biens et un goût (lorsque je dis « ma maison est à mon goût » je dis que j'ai trouvé la maison convenant à mon goût, où mon goût se reconnaît, se retrouve). Parmi ces biens, il faut faire entrer au risque de choquer, tous les objets d'élection, d'affinité élective, comme les objets de sympathie, d'amitié ou d'amour. […]
Dans la rencontre entre l'oeuvre d'art et le consommateur, il y a un tiers absent, celui qui a produit l'oeuvre, qui a fait une chose à son goût grâce à sa capacité de transformer son goût en objet, de le transformer d'état d'âme ou, plus exactement, d'état de corps en chose visible et conforme à son goût. L'artiste est ce professionnel de la transformation de l'implicite en explicite, de l'objectivation, qui transforme le goût en objet, qui réalise le potentiel, c'est-à-dire ce sens pratique du beau qui ne peut connaître qu'en se réalisant. En effet, le sens pratique du beau est purement négatif et fait presque exclusivement de refus. L'objectiveur du goût est à l'égard du produit de son objectivation dans le même rapport que le consommateur : il peut le trouver ou ne pas le trouver à son goût. On lui reconnaît la compétence nécessaire pour objectiver un goût. Plus exactement, l'artiste est quelqu'un que l'on reconnaît comme tel en se reconnaissant dans ce qu'il a fait, en reconnaissant dans ce qu'il a fait ce que l'on aurait fait si l'on avait su le faire. C'est un « créateur », mot magique que l'on peut employer une fois définie l'opération artistique comme opération magique, c'est-à-dire typiquement sociale. (Parler de producteur, comme il faut le faire, bien souvent, pour rompre avec la représentation ordinaire de l'artiste comme créateur – en se privant par là de toutes les complicités immédiates que ce langage est assuré de trouver et chez les « créateurs » et chez les consommateurs, qui aiment à se penser comme « créateurs », avec le thème de la lecture comme re-création –, c'est s'exposer à oublier que l’acte artistique est un acte de production d'une espèce tout à fait particulière, puisqu'il doit faire exister complètement quelque chose qui était déjà là, dans l'attente même de son apparition, et le faire exister tout à fait autrement, c'est-à-dire comme une chose sacrée, comme objet de croyance).
Les goûts, comme ensemble de choix faits par une personne déterminée, sont donc le produit d'une rencontre entre le goût objectivé de l'artiste et le goût du consommateur. Il reste à comprendre comment il se fait que, à un moment donné dû temps, il y a des biens pour tous les goûts (même s’il n'y a sans doute pas des goûts pour tous les biens) ; que les clients les plus divers trouvent des objets à leur goût. […] On suppose donc que par une sorte de flair plus ou moins cynique ou sincère les producteurs s’ajustent à la demande : celui qui réussit serait celui qui a trouvé le « créneau »."
Pierre Bourdieu, "La métamorphose des goûts", in Questions de sociologie, 1984, Éditions de Minuit, 2011, p. 161-164.
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