"Citoyens, pour faire oeuvre d'artiste, pour jouir de l'art, pour s'élever à la beauté, il faut dominer sa propre vie, dominer son propre travail. Quiconque est le serf de sa propre vie, quiconque ne peut pas s'élever au-dessus du niveau de son propre travail, quiconque ne peut pas le rattacher par la pensée et par la joie à l'ensemble du mouvement humain, ne peut atteindre véritablement à la vie de l'art. Ah ! combien peu de paysans sont capables de sentir s'éveiller en eux la beauté artistique ; ils sont pourtant en rapport immédiat, constant, avec toutes les beautés de la nature, avec toutes ses grandeurs et toutes les vicissitudes. Mais parce qu'ils sont absorbés par leur dur labeur, parce qu'ils ne songent qu'à extraire du sol avare quelques écus et quelques louis, parce qu'ils sont incapables de rattacher leur effort à l'ensemble de l'effort humain, et l'effort de l'humanité à l'ensemble du mouvement universel dont les vicissitudes et dont les saisons se déroulent pour eux, ils sont incapables de s'élever jusqu'à la notion claire, jusqu'au sentiment de la beauté. Ils sont enfoncés dans la terre jusqu'au coeur, et cette compression de la terre étouffe les battements de leur cœur."
Jean Jaurès, L'art et le socialisme, 1900, in Rallumer tous les soleils, Omnibus, 2005, p. 397.
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