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Texte à méditer :  C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher.
  
Descartes
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Hors des sentiers battus
L'histoire de l'amen break
  Nous pourrions faire remonter l'histoire de l' "amen break" très loin dans le temps. Mais afin d'éviter un récit trop long, nous allons nous contenter de la faire commencer en 1962. C'est en effet cette année là que paraît le livre Lilies of the field, de l'auteur américain William Edmund Barrett. Ce livre raconte l'histoire d'un jeune noir-américain, travailleur itinérant, qui échoue un jour dans une ferme perdue de l'Arizona. Il y rencontre un groupe de nonnes Est-Allemandes, convaincues qu'il a été envoyé par Dieu afin de construire une nouvelle chapelle pour les habitants du lieu.
  Ce livre à succès devient l'année suivante une comédie musicale sous le nom Look to the Lilies, tandis que le réalisateur Ralph Nelson décide de garder le titre original pour l'adapter au cinéma, avec Sidney Poitier dans le rôle titre (à noter que c'est pour ce rôle qu'il recevra l'oscar du meilleur acteur. Le premier décerné à un acteur noir aux Etats-Unis). Nelson demande alors à Jerry Goldsmith de composer la musique du film. Toutefois, lorsque, à la fin du film, Sidney Poitier se met à chanter un gospel en compagnie des bonnes sœurs, ce n'est pas une chanson de Goldsmith qu'il entonne, mais de Jester Joseph Hairston (homme aux divers talents, puisqu'il était à la fois compositeur, parolier, arrangeur, chef de chorale, et acteur). La chanson, fortement influencée par les "negro spirituals" (que Hairston se plaisait à arranger), est intitulée Amen. Voici l'extrait du film où apparaît la chanson :


  Le film, et la chanson, connaîtront à leur tour un grand succès, en particulier dans la communauté noire américaine. Rien d'étonnant donc à ce que l'année suivante (en 1964), les Impressions de Curtis Mayfield décident de reprendre la chanson, dans une version qui reste très fidèle à l'originale.

  C'est cette version des Impressions que vont reprendre à leur tour, quelques années plus tard, une toute jeune formation : les Winstons. Nous sommes alors en 1969, et les Winstons ont besoin d'une face B pour lancer leur second single Color him father (le premier, Need a replacement, ayant été un échec). Ils optent donc pour une reprise d'Amen, en la renommant Amen, brother. Cette fois-ci, le lancement réussit au-delà des espérances, puisque Color him father, devient n°2 des charts R&B, et n°7 du Billboard Hot 100 la même année. Son compositeur, Richard Spencer gagnera même un Grammy Award au titre de la meilleure chanson R&B l'année suivante. Le succès de Color him father est mérité, car il s'agit d'une superbe chanson soul, laquelle reste à ce jour le seul vrai tube des Winstons. Pour s'en convaincre, il suffit de se laisser bercer :

 
  Pourtant, ironie de l'histoire, ce n'est pas Color him father qui vaut aujourd'hui aux Winstons le respect des musiciens du monde entier, mais bien la face B de ce hit, l'alors anodin Amen, brother. Car il n'est pas exagéré d'affirmer que ce morceau va marquer de son empreinte la musique occidentale (de manière certes imprévue). Mais avant d'aller plus loin, jetons une oreille au morceau :
 


À la première écoute (surtout s'il se concentre sur les 25 premières secondes), le fan des Impressions ne pourra manquer d'être déconcerté. En effet, alors qu'il s'était préparé à entendre une reprise d'Amen, c'est une autre chanson des Impressions qu'il reconnaît : We're a winner, une chanson sortie deux ans plus tôt, en 1967, avec Curtis Mayfield et Johnny Pate à la manœuvre.
Une petite vérification ne prendra d'ailleurs pas beaucoup de temps :
 

 
  En réalité, rien d'étonnant à ce mélange des genres. Le monde de la soul music des années 60 est un microcosme, et il se trouve que deux des membres des Winstons, Quincy Mattison et G.C. Coleman (le batteur du groupe, dont nous allons bientôt reparler), étaient avant cela membres du "backup band" des Impressions.
Amen, brother est donc une reprise instrumentale d'un gospel à succès, mixé avec une chanson soul, elle aussi à succès (n°1 des charts R&B et n° 14 des pop charts en 1968). La chanson est plaisante, mais pas au point d'éclipser le titre qu'elle accompagne. D'ailleurs, elle va rapidement sombrer dans l'oubli…
…Jusqu'à ce jour de 1986, où un certain Breakbeat Lenny décide d'utiliser un break de batterie contenu dans Amen, brother pour une compilation de break beats à destination des DJs, compilation intitulée "Ultimate Breaks and Beats".
Réécoutons donc le morceau, et rendons hommage au batteur G.C. Coleman, en se concentrant cette fois-ci sur le break de batterie, qui se situe à 1'27 :


 
Eh oui, c'est bien ce break que l'on peut entendre sur Straight outta compton de N.W.A, petite bombe hip hop qui ravage tout sur son passage en 1988  (et donnera naissance au gangsta rap) ! À la suite du bon Dr. Dre, on ne compte plus les producteurs hip hop qui ont utilisé ce break. Pourtant, le désormais fameux "amen break" ne mériterait pas la place qu'il occupe s'il s'était cantonné à la scène rap…
  Mais j'arrête là mon histoire, et je passe le relais à Nate Harrison, qui nous explique la suite sur cette vidéo, au pédagogisme sans faille :
  

 

P.S. : pour celles et ceux qui voudraient savoir quels sont leurs morceaux préférés qui utilisent l'amen break, une petite liste non-exhaustive est accessible ici : les morceaux de musique qui ont utilisé l'amen break

Date de création : 20/01/2010 @ 16:05
Dernière modification : 03/08/2011 @ 19:47
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