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Texte à méditer :  Il n'y a rien de plus favorable à la philosophie que le brouillard.  Alexis de Tocqueville
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Hors des sentiers battus
Justice et sagesse
XVI. 25 […] Imaginons, disait [Carnéade], qu'un homme de bien possède un esclave qui s'enfuit constamment, ou une maison affreusement malsaine ; ces inconvénients, il est seul à les connaître et, à cause d'eux, il annonce la mise en vente de ces biens. Va-t-il proclamer que l'esclave qu'il vend a l'habitude de fuir et que la maison offerte est malsaine, ou dissimulera-t-il ces faits à l'acheteur ? S'il les proclame, on le jugera honnête certes, puisqu'il ne trompera personne, mais onle traitera de sot, parce quel vendra à vil prix, ou ne trouvera aucun preneur ; s'il les dissimule, il sera considéré comme un homme avisé, parce qu'il sait défendre ses intérêts, mais on le jugera, en revanche, malhonnête, puisqu'il trompe autrui. Inversement, s'il découvrait une personne qui croit vendre, un objet de laiton, alors qu'il s'agit d'un objet en or, ou de plomb, alors que c'est en argent, gardera-t-il le silence, pour l'acheter à bas prix, ou en révélera-t-il la valeur, pour payer le prix fort ? Il semble vraiment stupide de préférer acheter cher. Par celle histoire, [Carnéade] voulait faire comprendre que l'homme juste et honnête est un sot, tandis que l'homme sage est malhonnête mais il reconnaissait pourtant qu'il était possible aux hommes de se contenter, sans inconvénient, de la pauvreté.

XVII. 26. [Carnéade] passait donc à des situations plus graves, où personne ne pouvait être juste sans mettre sa vie en péril. Voici ce qu'il disait : Assurément la justice consiste à ne tuer aucun homme et à ne point porter atteinte au bien d'autrui. Dans ce cas, que sera le juste s'il a fait naufrage et qu'un autre naufragé, moins fort que lui, s'est accroché à une épave ? Ne va-t-il pas lui faire lâcher son épave, pour s'y installer lui-même et se tirer de là, grâce à elle ? D'autant plus qu'il se trouve en pleine mer, sans aucun témoin. S'il est sage, c'est ce qu'il fera ; s'il y renonce, il doit périr ; s'il préfère mourir plutôt que, faire violence à autrui, il est alors un juste mais aussi un sot, puisqu'il n'a pas égard à sa propre vie alors qu'il ménage celle d'autrui. Il en est de même dans une déroute de son armée, lorsque la poursuite des ennemis a commencé ; si notre juste trouve un blessé à cheval, lui laissera-t-il la vie, pour la perdre lui-même, ou le jettera-t-il à bas de sa monture, pour pouvoir lui-même échapper à l'ennemi ? S'il le fait, il se montrera sage, mais en même temps sans vertu ; s'il ne le fait pas, il sera un juste, mais forcément un sot. Ainsi donc, [Carnéade] divisait la justice en deux parties, appelant l'une justice civile, l'autre justice naturelle, pour détruire aussitôt l'une et l'autre, parce que la justice civile est certes de la sagesse, mais non de la justice, tandis que la justice naturelle est bien de la justice, mais n'a rien à voir avec la sagesse."

 

Cicéron, De la République, Livre III, Chapitres 16 et 17, tr. fr. Albert Yon, Gallimard, tel, pp. 101-102.



Date de création : 23/03/2010 @ 11:28
Dernière modification : 13/07/2011 @ 13:38
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