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Texte à méditer :  Il n'y a rien de plus favorable à la philosophie que le brouillard.  Alexis de Tocqueville
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Hors des sentiers battus
L'exigence de testabilité/falsifiabilité
  "Nous pouvons distinguer trois exigences auxquelles devra satisfaire théoriquement notre système empirique. Il devra, tout d'abord, être synthétique, de manière à pouvoir représenter un monde possible, non contradictoire. En deuxième lieu, il devra satisfaire au critère de démarcation, c'est-à-dire qu'il ne devra pas être métaphysique mais devra représenter un monde de l'expérience possible. En troisième lieu, il devra constituer un système qui se distingue de quelque manière des autres systèmes du même type dans la mesure où il est le seul à représenter notre monde de l'expérience. Mais comment distinguer le système qui représente notre monde de l'expérience ? La réponse est la suivante : par le fait qu'il a été soumis à des tests et qu'il a résisté à des tests. Ceci signifie qu'il faut le distinguer en lui appliquant cette méthode déductive dont l'analyse et la description constituent mon propos. Selon cette conception, « l'expérience » apparaît comme une méthode caractéristique qui permet de distinguer un système théorique d'autres systèmes théoriques. De sorte que la science empirique semble se caractériser non seulement par sa forme logique mais aussi par la spécificité de sa méthode. [...]
  Le critère de démarcation inhérent à la logique inductive revient à la condition suivante : l'on doit pouvoir décider de manière définitive de la vérité et de la fausseté de tous les énoncés de la science empirique (ou encore tous les énoncés « pourvus de sens ») ; nous dirons qu'il doit être « possible de décider de leur vérité ou de leur fausseté de manière concluante ». Ceci signifie que leur forme doit être telle qu'il soit logiquement possible tant de les vérifier que de les falsifier. Or dans ma conception, il n'y a rien qui ressemble à de l'induction. Aussi, pour nous, est-il logiquement inadmissible d'inférer des théories à partir d'énoncés singuliers « vérifiés par l'expérience » (quoi que cela puisse vouloir dire). Les théories ne sont donc jamais vérifiables empiriquement. Si nous désirons éviter l'erreur positiviste qui consiste à exclure, en vertu de notre critère de démarcation, les systèmes théoriques de la science naturelle nous devons choisir un critère qui nous permette d'admettre également dans le domaine de la science empirique des énoncés qui ne peuvent pas être vérifiés. Toutefois, j'admettrai certainement qu'un système n'est empirique ou scientifique que s'il est susceptible d'être soumis à des tests expérimentaux. Ces considérations suggèrent que c'est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d'un système, qu'il faut prendre comme critère de démarcation. En d'autres termes, je n'exigerai pas d'un système scientifique qu'il puisse être choisi, une fois pour toutes, dans une acception positive mais j'exigerai que sa forme logique soit telle qu'il puisse être distingué, au moyen de tests empiriques, dans une acceptation négative : un système faisant partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté par l'expérience. (Ainsi l'énoncé « il pleuvra ou il ne pleuvra pas ici demain » ne sera-t-il pas considéré comme empirique pour la simple raison qu'il ne peut être réfuté, alors que l'énoncé « il pleuvra ici demain » sera considéré comme empirique.)"
 
Karl Popper, La Logique de la découverte scientifique, trad. Nicole Thyssen-Rutten et Philippe Devaux, éd. Payot, 1978, p. 36-38.

 
 "1) Si ce sont des affirmations que l'on recherche, il n'est pas difficile de trouver, pour la grande majorité des théories, des confirmations ou des vérifications. 2) Il convient de ne tenir réellement compte de ces confirmations que si elles sont le résultat de prédictions qui assument un certain risque ; autrement dit, si, en l'absence de la théorie en question, nous n'avions dû escompter un événement qui n'aurait pas été compatible avec celle-ci - un événement qui l'eût réfutée. 3) Toute « bonne » théorie scientifique consiste à proscrire : à interdire à certains faits de se produire. Sa valeur est proportionnelle à l'envergure de l'interdiction. 4) Une théorie qui n'est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique. Pour les théories, l'irréfutable n'est pas (comme on l'imagine souvent) vertu mais défaut. 5) Toute mise à l'épreuve véritable d'une théorie par des tests constitue une tentative pour en démontrer la fausseté (to falsify) ou pour la réfuter. Pouvoir être testée c'est pouvoir être réfutée ; mais cette propriété comporte des degrés : certaines théories se prêtent plus aux tests, s'exposent davantage à la réfutation que les autres, elles prennent, en quelque sorte, de plus grands risques. 6) On ne devrait prendre en considération les preuves qui apportent confirmation que dans les cas où elles procèdent de tests authentiques subis par la théorie en question ; on peut donc définir celles-ci comme des tentatives sérieuses, quoique infructueuses, pour invalider telle théorie [...]. 7) Certaines théories, qui se prêtent véritablement à être testées, continuent, après qu'elles se sont révélées fausses, d'être soutenues par leurs partisans – ceux-ci leur adjoignent une quelconque hypothèse auxiliaire, à caractère ad hoc, ou bien en donnent une nouvelle interprétation ad hoc permettant de soustraire la théorie à la réfutation. Une telle démarche demeure toujours possible, mais cette opération de sauvetage a pour contrepartie de ruiner ou, dans le meilleur des cas, d'oblitérer partiellement la scientificité de la théorie [...]. On pourrait considérer ces considérations ainsi : le critère de la scientificité d'une théorie réside dans la possibilité de l'invalider, de la réfuter ou encore de la tester."
 
Karl Popper, Conjectures et réfutations, 1953, tr. fr. Michelle-Irène et Marc B. de Launay, Payot, 1994, p. 64-65.

 

  "Si un énoncé ou un ensemble d'énoncés n'est pas testable, au moins en principe, si, en d'autres termes, il n'a pas d'implications vérifiables du tout, alors il ne peut pas être raisonnablement proposé ou admis à titre d'hypothèse ou de théorie scientifique, car on ne peut imaginer aucun résultat empirique qui s'accorde avec lui ou qui le contredise. Dans ce cas, il ne repose d'aucune façon sur des phénomènes et, comme nous dirons, il manque de poids empirique. Considérez, par exemple, l'opinion selon laquelle l'attraction gravitationnelle qu'exercent les uns sur les autres les corps physiques, manifeste certains « appétits ou tendances naturels », étroitement liés à l'amour, inhérents à ces corps, qui rendent leurs « mouvements naturels intelligibles et possibles ». Quelles implications vérifiables peut-on dériver d'une semblable interprétation des phénomènes de gravitation ? Si l'on considère certains traits spécifiques de l'amour au sens habituel, on s'attendrait à ce que cette conception impliquât que l'affinité gravitationnelle fût un phénomène sélectif : ce ne devrait pas être deux corps physiques quelconques qui s'attirent l'un l'autre. L'intensité de cette attirance de l'un des corps pour le second ne devrait pas non plus être toujours égale à celle de ce dernier pour le premier, elle ne devrait pas non plus dépendre de façon significative des masses des corps ou de leur distance. Or, nous savons que toutes ces conséquences que nous venons de suggérer sont fausses, la conception que nous sommes en train d'examiner n'est évidemment pas supposée les impliquer. En fait, dans cette conception, ce qu'on avance, c'est seulement que les affinités naturelles sous-jacentes à l'attraction gravitationnelle sont en rapport avec l'amour. Mais, comme on va le voir clairement, cette affirmation est si vague qu'elle exclut qu'on en déduise quelque implication vérifiable que ce soit. Cette interprétation n'appelle aucune découverte empirique d'aucune sorte ; on ne peut imaginer aucune observation, expérimentation qui fournisse des données qui la confirment ou la réfutent. En particulier, elle n'a, par conséquent, aucune implication concernant les phénomènes de gravitation ; il est donc impossible qu'elle explique ces phénomènes ou les rende « intelligibles ». Pour illustrer encore ce point, supposons que quelqu'un propose la thèse opposée : les corps physiques s'attirent mutuellement et tendent à se porter à la rencontre l'un de l'autre sous l'effet naturel de la haine, en vertu d'une inclination naturelle à heurter et à détruire les autres objets physiques. Peut-on imaginer une façon de trancher entre ces conceptions opposées ? Évidemment pas. Ni l'une ni l'autre ne conduisent à des implications vérifiables. Aucune expérience ne permet de choisir l'une ou l'autre. Ce n'est pas que cette question soit « trop profonde » pour relever d'une décision scientifique : ces deux interprétations verbales opposées ne constituent nullement des assertions. Par conséquent, la question de savoir si elles sont vraies ou fausses n'a aucun sens, c'est pourquoi une enquête scientifique ne permet pas d'aboutir à un choix entre elles deux. Ce ne sont que des pseudo-hypothèses : de l'hypothèse, elles n'ont que l'apparence."

 

Carl Hempel, Éléments d'épistémologie, 1966, Chapitre 3, tr. fr. Bertrand Saint-Sernin, Armand Colin, 1996, p. 46-48.


 

  "La science est un creuset où l'on vérifie et où l'on rejette des hypothèses ; elle n'est pas l'abrégé d'une certaine connaissance. Toute proposition dont il est possible de prouver  l'inexactitude appartient au domaine de la science - parce qu'il s'agit d'une erreur qu'il faut donc écarter, mai surtout parce que ce type de proposition respecte un critère méthodologique essentiel : il est possible de la contrôler. Toute théorie qui est par essence invérifiable n'appartient plus au domaine de la science. La science est le champ de l'action et du réel et non un ensemble de constructions brillantes et purement intellectuelles."

 

Stephen Jay Gould, "Le nombril d'Adam", in Le sourire du flamand rose, 1985, tr. fr. Dominique Teyssié, Points Sciences, 1993, p. 124-125.



  "Une recherche fructueuse, voilà la vraie définition de la science. La science n'est pas une liste de conclusions alléchantes ; les conclusions sont une conséquence de la science et non son essence. […]
  Le fonctionnement de la science repose sur le caractère vérifiable des hypothèses que l'on propose. Nous pouvons accepter provisoirement une hypothèse et accroître notre confiance en elle si, après une longue compilation et un examen minutieux des données, de nouvelles informations corroborent cette hypothèse. Mais nous ne serons jamais parfaitement sûrs qu'une hypothèse est exacte, alors qu'il est tout à fait possible de démontrer sans ambiguïté qu'une hypothèse est fausse. Les meilleures hypothèses scientifiques sont généreuses et amplifiables : leurs développements et leurs implications jettent souvent une lumière nouvelle sur d'autres sujets proches ou même parfois sans rapport apparent. Songez, par exemple, combien l'influence du concept de l'évolution a marqué de nombreux domaines intellectuels.
  Toute spéculation vaine, en revanche, a un caractère restrictif. Elle donne naissance à des hypothèses non vérifiables mais également impossibles à réfuter sur des bases concrètes. Remarquez que je ne fais pas intervenir ici le caractère exact ou erroné de la spéculation ; même si une hypothèse est exacte, elle ne nous servira à rien si elle est impossible à confirmer ou à réfuter. Ce type de spéculations reste à jamais du domaine des idées simplement intrigantes. Une spéculation vaine nous fait tourner en rond et ne nous mène nulle part. La vraie science contient en puissance les germes qui permettent de réfuter une hypothèse et les implications qui conduisent à de nouvelles connaissances, vérifiables. La vraie science nous mène quelque."

 

Stephen Jay Gould, "Sexe, drogues, catastrophes et extinction des dinosaures", in Le sourire du flamand rose, 1985, tr. fr. Dominique Teyssié, Points Sciences, 1993, p. 453-454.


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Date de création : 21/11/2010 @ 11:50
Dernière modification : 22/04/2012 @ 17:17
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