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Texte à méditer :   Les vraies révolutions sont lentes et elles ne sont jamais sanglantes.   Jean Anouilh
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Hors des sentiers battus
Bonheur et désir

  "Socrate : [...] Suppose qu'il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux. Les tonneaux de l'un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d'autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses. Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu'on n'obtient qu'au terme de maints travaux pénibles. Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il n'a plus à y reverser quoi que ce soit ni à s'occuper d’eux ; au contraire, quand il pense à ses tonneaux, il est tranquille. L'autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme ses récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jour et nuit, en s'infligeant les plus pénibles peines. Alors, regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu'elle est la plus heureuse ? Est-ce la vie de l'homme déréglé ou celle de l'homme tempérant ? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d'admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée ? Est-ce que je ne te convaincs pas ?

Calliclès : Tu ne me convaincs pas, Socrate. Car l'homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même et en ses tonneaux, n'a plus aucun plaisir, il a exactement le type d'existence dont je parlais tout à l'heure : il vit comme une pierre. S’il a fait le plein, il n'éprouve plus ni joie ni peine. Au contraire, la vie de plaisirs est celle où on verse et on reverse autant qu'on peut dans son tonneau.

Socrate : Mais alors, si on verse beaucoup, il faut aussi qu’il y en ait beaucoup qui s'en aille, on doit donc avoir de bons gros trous, pour que tout puisse bien s'échapper !

Calliclès : Oui, parfaitement.

Socrate : Tu parles de la vie d'un pluvier [1], qui mange et fiente en même temps ! - non ce n'est pas la vie d’un cadavre [2], même pas celle d'une pierre ! Mais dis-moi encore une chose : ce dont tu parles, c'est d'avoir faim et de manger quand on a faim, n'est-ce pas ?

Calliclès : Oui

Socrate : Et aussi d'avoir soif, et de boire quand on a soif.

Calliclès : Oui, mais surtout ce dont je parle, c'est de vivre dans la jouissance, d'éprouver toutes les formes de désirs et de les assouvir - voilà, c'est cela la vie heureuse !"

 

Platon, Gorgias (vers 390 av JC), 493d-494b, tr. fr. Monique Canto, GF, 1987.


 [1] Oiseau échassier migrateur.

[2] Calliclès a fait observer préalablement que le type de "vie" que recommandait Socrate s’'apparentait à celle d'un cadavre, ou d'un mort vivant (492 e).


 

    "Il faut se rendre compte que parmi nos désirs les uns sont naturels, les autres vains, et que, parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires et les autres naturels seulement. Parmi les désirs nécessaires, les uns sont nécessaires pour le bonheur, les autres pour la tranquillité du corps, les autres pour la vie même. Et en effet une théorie non erronée des désirs doit rapporter tout choix et toute aversion à la santé du corps et à l'ataraxie [1] de l'âme, puisque c'est là la perfection même de la vie heureuse. Car nous faisons tout afin d'éviter la douleur physique et le trouble de l'âme. Lorsqu'une fois nous y avons réussi, toute l'agitation de l'âme tombe, l'être vivant n'ayant plus à s'acheminer vers quelque chose qui lui manque, ni à chercher autre chose pour parfaire le bien-être de l'âme et celui du corps. Nous n'avons en effet besoin du plaisir que quand, par suite de son absence, nous éprouvons de la douleur; et quand nous n'éprouvons pas de douleur nous n'avons plus besoin du plaisir. […]
    C'est un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même, non qu'il faille toujours vivre de peu, mais afin que si l'abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons, bien persuadés que ceux-là jouissent le plus vivement de l'opulence qui ont le moins besoin d'elle, et que tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, et ce qui ne répond pas à un désir naturel, malaisé à se procurer. […]
    Quand donc nous disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs de l'homme déréglé, ni de ceux qui consistent dans les jouissances matérielles, ainsi que l'écrivent des gens qui ignorent notre doctrine, ou qui la combattent et la prennent dans un mauvais sens. Le plaisir dont nous parlons est celui qui consiste, pour le corps à ne pas souffrir et, pour l'âme, à être sans trouble".

 
Épicure (341-270 av. J.C.), Lettre à Ménécée, trad. O. Hamelin, Nathan, 1982, p. 77-79.

[1] Littéralement, absence de trouble. Quiétude d'esprit que rien ne trouble.


  "Au demeurant, et conformément à ce qui rassemble tous les stoïciens, je me règle sur la nature ; ne pas s'éloigner d'elle, se lier à sa loi et à son exemple, voilà la sagesse. La vie heureuse, c'est donc celle qui est en accord avec sa propre nature. On n'y peut atteindre que si l'âme est d'abord saine et en constante possession de cette santé, courageuse aussi, et énergique, ensuite magnifiquement patiente, prête à toutes les situations, attentive sans anxiété à son corps et à ce qui le concerne, intéressée enfin par toutes les ressources de la vie sans admiration pour aucune, décidée à user des présents de la fortune sans leur être assujettie. Tu comprends, sans qu'il me soit besoin de le dire, qu'une fois qu'on a chassé aussi bien ce qui nous irrite que ce qui nous effraie, il s'ensuit une tranquillité, une liberté perpétuelles, car, à la place des voluptés, des séductions mesquines et fragiles dont le seul parfum est nuisible, s'installe une joie immense, inébranlable et constante, puis la paix et l'harmonie de l'âme, sa grandeur alliée à sa douceur : tant il est vrai que toute méchanceté a sa source dans la faiblesse.
  On peut aussi définir autrement le bien tel que nous le concevons : j'entends par là qu'une même théorie peut être formulée dans des termes différents. Ainsi, une même armée peut tantôt se déployer largement, tantôt resserrer étroitement ses rangs ; elle peut disposer ses ailes en demi-cercle ou former un front rectiligne. Mais sa force, de quelque manière qu'elle s'ordonne, reste identique comme sa volonté de combattre pour le même parti. De même, la définition du souverain bien peut être soit étirée et étendue, soit condensée et contractée. Ce sera donc la même chose si je dis du souverain bien : « C'est l'âme qui dédaigne les coups du sort se réjouit dans la vertu », ou « la force d'une âme invincible, expérimentée, paisible dans l'action, alliée à beaucoup d'humanité et soucieuse de ses semblables ». On le peut aussi définir en disant que l'homme heureux est celui pour qui il n'est rien de bon ou de mauvais hormis une âme bonne ou mau­vaise : l'homme qui cultive les valeurs d’honnêteté, qui trouve son contentement dans la vertu, que les caprices de la fortune n’exaltent ni n'abattent, qui ne connaît de plus grand bien que celui qu'il se peut donner à soi-même, pour qui le plaisir véritable est le mépris des plaisirs. On peut, si l'on veut développer davantage, présenter la même idée sous tel ou tel angle sans la dimi­nuer ni l'affaiblir : en effet, qu'est-ce qui nous interdit de dire que la vie heureuse, c’est une âme libre, élevée, intrépide, ferme, accessible à la crainte comme à la convoitise, pour qui l'unique bien est l'honnêteté et le mal unique l'indignité morale, et tout le reste, une futile confusion de choses qui n'enlèvent ni n'ajoutent rien au bonheur, dont le va-et-vient n'est ni au bénéfice ni au détriment du souverain bien ?
  Une conviction ainsi enracinée entraîne inévitablement, qu'on le veuille ou non, une gaieté perpétuelle, une profonde allégresse qui sourd du tréfonds de l'être, puisque alors l'homme met sa joie dans ce qu'il possède et ne désire rien de plus que ce qu'il a en soi. Comment tout cela ne compenserait-il pas largement les émotions infimes, frivoles et éphémères de notre corps débile ? Le jour où l'on devient esclave de la volupté, on l'est aussi de la douleur ; tu vois à quelle triste et désastreuse sujétion sera soumis celui que posséderont tour à tour les plaisirs et les douleurs – les plus imprévisibles et les plus despotiques de tous les maîtres : il faut donc trouver une issue vers la liberté. Or, rien ne la procure excepté l'indifférence aux caprices de la fortune. Une fois acquise, elle sera l'ori­gine de ces biens inestimables : la quiétude de l'esprit désormais en sûreté et l'élévation morale; une fois chassées les terreurs, surgiront de la con naissance du vrai une joie immense et inaltérable, la générosité et l'épanouissement de l'âme qui la charmeront non pas en tant que biens, mais comme effets du bien qui est en elle.
  Puisque j'ai commencé à traiter de ce sujet avec abondance, je dirai qu'on peut appeler heureux celui qui est exempt de désirs et de craintes grâce aux bienfaits de la raison : car les pierres et le bétail ignorent aussi la crainte et la tristesse, mais on ne saurait pourtant parler de bonheur chez ce qui n'en a pas la notion. Tu peux mettre sur ce même plan les hommes que leur esprit obtus et leur igno­rance d'eux-mêmes ravalent au rang de bétail ou d'êtres inanimés. Il n'y a pas de différence entre les uns et les autres, puisque en ceux-ci la raison est absente et en ceux-là elle faussée, et adroite seulement à leur faire du tort et à les pervertir ; car nul ne peut être déclaré heureux s'il est en dehors de la vérité.
  La vie heureuse se fonde alors invariablement sur un jugement droit et assuré. Car alors, l'âme est pure et délivrée de tous les maux ; elle évite non seulement les déchirements, mais encore les piqûres d'épingle, résolue à demeurer toujours là où elle s'est établie et à défendre sa position contre la colère et les harcèlements du sort. Quant à la volupté, elle peut bien se répandre partout et glisser par toutes les brèches, caresser l'âme de ses flatteries et employer l'une après l'autre toutes ses armes afin de suborner totalement ou partiellement notre être : quel mortel, pour peu qu'il ait gardé quelques restes de dignité humaine, voudrait être ainsi chatouillé nuit et jour et abandonner son âme pour donner tous ses soins à son corps ?
  L'âme aussi, dit-on, aura ses voluptés. Qu'elle les ait, je le veux bien : alors, s'érige­ant en juge du luxe et des plaisirs, qu'elle se rassasie de tous ceux qui font habituellement les délices des sens, puis, qu'elle porte ses regards vers le passé, et, se remémorant les plaisirs abolis, s'enivre d'impressions anciennes et tende déjà vers les futures, pré­pare la satisfaction de ses désirs, et, tandis que le corps baigne dans ses jouissances présen­tes, qu'elle projette ses pensées vers les jouissances à venir ! elle me paraîtra ainsi plus misérable, car c'est folie de choisir un mal au lieu d'un bien. Nul ne peut être heu­reux sans la santé de l'âme, ni jouir de cette santé s'il convoite comme bien suprême ce qui doit lui faire du mal.
  Heureux, donc, celui dont le jugement est droit ; heureux celui qui se contente des biens qui s'offrent à lui aujourd'hui, quels ils soient, et aime ce qu'il possède ; heureu­x celui pour qui la raison décide de la valeur de tout ce qui lui appartient !"

 

Sénèque, La Vie heureuse, tr.fr François Rosso, Arléa, 2005, p. 22-28.

 

  "Du reste, d'après le grand principe de tous les Stoïciens, c'est la nature que je prétends suivre : ne pas s'en écarter, se former sur sa loi et sur son exemple, voilà la sagesse. La vie heureuse est donc une vie conforme à la nature ; mais nul ne saurait l'obtenir, s'il n'a préalablement l'âme saine et en possession constante de son état sain ; si cette âme n'est énergique et ardente, belle de ses mérites, patiente, propre à toute circonstance, prenant soin du corps et de ce qui le concerne, sans anxiété toutefois, ne négligeant pas les choses qui font le matériel de la vie, sans s'éblouir d'aucune, et usant des dons de la Fortune, sans en être l'esclave. On comprend, quand je ne le dirais pas, que l'homme devient à jamais tranquille et libre, quand il s'est affranchi de tout ce qui nous irrite ou nous terrifie. Car en place des voluptés, de toute chose étroite et fragile qui flétrit l'homme en le perdant, succède une satisfaction sans bornes, inébranlable, toujours égale ; alors l'âme est en paix, en harmonie avec elle-même, et réunit la grandeur à la bonté. Toute cruauté en effet vient de faiblesse.
  On peut définir encore autrement le bonheur tel que nous l'entendons, c'est-à-dire formuler le même sens, en changeant les termes. Tout comme la même armée tantôt se développe au large, tantôt se masse sur un terrain étroit, ou se courbe au centre en forme de croissant, ou déploie de front toute sa ligne, sans perdre de sa force quelle que soit sa distribution, sans changer d'esprit ni de drapeau; ainsi la définition du souverain bien peut s'allonger et s'étendre, selon les goûts divers, comme se resserrer et se réduire. Ce sera donc tout un si je dis : « Le souverain bien, c'est une âme qui dédaigne toute chose fortuite, et qui fait sa joie de la vertu » ou bien : « C'est l'invincible énergie d'une âme éclairée sur les choses de la vie, calme dans l'action, toute bienveillante et du commerce le plus obligeant. » Je suis libre de dire encore : « Celui-là est heureux pour lequel il n'est de bien ou de mal qu'une âme bonne ou dépravée ; qui cultive l'honnête, et, content de sa seule vertu, ne se laisse ni enfler ni abattre par les événements ; qui ne connaît pas de plus grandes délices que celles qu'il puise, dans son cœur, et pour qui la vraie volupté est le mépris des voluptés. » Tu peux, en te donnant carrière, faire prendre au même fonds diverses formes, tu n'altéreras ni ne modifieras sa valeur. Par exemple qui nous empêche d'appeler le bonheur une âme libre, élevée, intrépide et constante, placée en dehors de la crainte, en dehors de toute cupidité, aux yeux de laquelle l'unique bien est l'honnête, l'unique mal l'infamie, et tout le reste un vil amas d'objets qui n'ôtent rien à la vie heureuse, n'y ajoutent rien et, sans accroître ou diminuer le souverain bien, peuvent arriver ou s'en aller ? L'homme établi sur une telle base aura, ne le cherchât-il point, pour compagnes nécessaires une perpétuelle sérénité, une satisfaction profonde comme la source dont elle sort, heureux de ses propres biens et ne souhaitant rien de plus grand que ce qu'il trouve en soi. Ne sera-ce point compenser dignement les sensations émoussées, frivoles, si peu persévérantes d'une méprisable chair ? Le jour où le plaisir deviendrait son maître, la douleur le serait aussi.
  Or tu vois quel misérable et funeste esclavage devra subir l'homme que le plaisir et la douleur, les plus capricieux despotes et les plus passionnés, vont se disputer tour à tour. Elançons-nous donc vers la liberté que rien ne donne, hormis l'indifférence pour la Fortune. Alors, commencera ce bonheur inappréciable, ce calme d'un esprit retiré en un asile sûr d'où il domine tout; alors plus de terreurs; la possession du vrai nous remplira d'une joie immense, inaltérable, et de sentiments affectueux et expansifs que nous savourerons moins comme des biens, que comme les fruits d'un bien qui est en nous. Puisque j'ai déjà prodigué les définitions, disons qu'on peut appeler heureux celui qui ne désire ni ne craint plus, grâce à la raison. Tout comme les rochers n'éprouvent ni nos craintes ni nos tristesses, non plus que les animaux, sans que pourtant on les ait jamais dits heureux, puisqu'ils n'ont pas le sentiment du bonheur ; il faut mettre sur la même ligne tout homme qu'une nature émoussée et l'ignorance de soi relèguent au rang des troupeaux et des brutes, dont rien ne le distingue. Car si la raison chez ceux-ci est nulle, celui-là en a une dépravée qui n'est habile qu'à le perdre et à pervertir toutes ses voies. Le titre d'heureux n'est pas fait pour l'homme jeté hors de la vérité ; partant, la vie heureuse est celle dont un jugement droit et sûr fait la base et la base immuable. Il n'est d'esprit serein et dégagé de toute affliction que celui qui, échappant aux plaies déchirantes comme aux moindres égratignures, reste à jamais ferme où il s'est placé, certain de garder son assiette en dépit des colères et des assauts de la Fortune. Quant à la volupté, dût-elle nous assiéger de toutes parts, s'insinuer par tous nos sens, flatter notre âme de ses mille caresses successivement renouvelées, et solliciter ainsi tout notre être et chacun de nos organes, quel mortel, si peu qu'il lui restât de l'homme, voudrait être chatouillé nuit et jour, et renoncer à son âme pour ne plus songer qu'à son corps ?"

 

Sénèque, De la vie heureuse, 58 ap. J.-C., § 3-5, tr. fr. Joseph Baillard.


 
 "Rien ne sert de s'être débarrassé des causes de tristesse personnelle : quelquefois en effet, c'est le dégoût du genre humain qui nous envahit à l'idée de tous ces crimes qui réussissent à leurs auteurs. Quand on songe à quel point la droiture est rare et l'intégrité bien cachée ; quand on se dit que la loyauté ne se rencontre guère que lorsqu'elle est intéressée, que la débauche recueille des profits aussi détestables que ses pertes, que l'ambition politique, incapable de rester dans ses limites, va jusqu'à trouver son éclat dans la honte, alors l'âme s'enfonce dans la nuit ; et devant les ruines des vertus qu'il est aussi impossible d'espérer trouver qu'inutile de posséder, on se sent envahi par les ténèbres.
 Aussi devons-nous prendre l'habitude de ne pas nous indigner de tous les vices de la foule, mais d'en rire, et d'imiter Démocrite plutôt qu'Héraclite: celui-ci ne pouvait sortir en ville sans pleurer, celui-là sans rire; l'un ne voyait dans nos actes que misère, l'autre que sottise. Il faut donc ramener les choses à leurs justes proportions et les supporter avec bonne humeur - il est d'ailleurs plus conforme à la nature humaine de rire de la vie que d'en pleurer."
 
Sénèque, De la tranquillité de l'âme (47-62 ap. J.C.), XV, § 1-2.
 
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d'abord étudié dans son ensemble.
 
Questions :
 
1° Dégagez l'idée principale du texte, puis les étapes de son argumentation.
2° Expliquez :
a) « c'est le dégoût du genre humain qui nous envahit à l'idée de tous ces crimes qui réussissent à leurs auteurs » ;
b) « Aussi devons-nous prendre l'habitude de ne pas nous indigner de tous les vices de la foule, mais d'en rire » ;
c) « Il faut donc ramener les choses à leurs justes proportions et les supporter avec bonne humeur ».
3°Peut-on être heureux dans un monde injuste ?


    "Souviens-toi que la fin de tes désirs, c’est d’obtenir ce que tu désires, et que la fin de tes craintes, c’est d’éviter ce que tu crains. Celui qui n’obtient pas ce qu’il désire est malheureux, et celui qui tombe dans ce qu’il craint est misérable. Si tu n’as donc de l’aversion que pour ce qui est contraire à ton véritable bien, et qui dépend de toi, tu ne tomberas jamais dans ce que tu crains. Mais si tu crains la mort, la maladie ou la pauvreté, tu seras misérable.
    Transporte donc tes craintes, et reporte-les, des choses qui ne dépendent point de nous, sur celles qui en dépendent ; et, pour tes désirs, supprime-les entièrement pour le moment. Car, si tu désires quelqu’une des choses qui ne sont pas en notre pouvoir, tu seras nécessairement malheureux ; et, pour les choses qui sont en notre pouvoir, tu n’es pas encore en état de connaître celles qu’il est bon de désirer. En attendant donc que tu le sois, contente-toi de rechercher ou de fuir les choses, mais doucement, toujours avec des réserves, et sans te hâter."

 

Épictète, Manuel, § II.



    "Si l'on avait raison d'admettre que le bonheur consistait à ne pas souffrir, à ne pas être malade, à éviter la malchance et les grandes infortunes, personne ne serait heureux avec un sort contraire. Mais si le bonheur est placé dans la possession du vrai bien, pourquoi l'oublier ? Pourquoi, sans le prendre en considération, juger que l'homme heureux recherche des choses qui ne sont pas des éléments du bonheur. Un amas de biens véritables et d'objets nécessaires à la vie (et même non nécessaires) que vous appelez des biens, voilà le bien pour vous; il faudra alors chercher à se procurer ces choses. Mais si la fin des biens est une, s'il ne doit pas y avoir plusieurs fins (en ce cas on ne rechercherait plus une fin mais les fins), il faut prendre pour seule fin, la dernière, la plus précieuse, celle que l'âme s'efforce d'embrasser en elle seule. L'effort et la volonté de l'âme ne tendent pas à ne pas l'atteindre. Quant à ces objets qui n'existent pas dans la nature, mais qui passent seulement, la pensée les fuit et les écarte de son domaine ; ou, si elle cherche à les retenir, son vrai désir tend à une réalité supérieure à l'âme dont la présence la remplit et la calme. Voilà la vie qu'elle veut réellement ; et sa volonté n'est pas de posséder les objets nécessaires à la vie, si le mot volonté est pris en son sens propre et non en un sens abusif. Nous estimons sans doute à leur valeur la possession de ces objets ; en général, nous évitons les maux ; mais notre volonté propre n'est pas de les évite ; elle est plutôt ne n'avoir pas besoin de les éviter. La preuve ? Supposez que nous possédons ces prétendus biens, par exemple la santé et l'absence de souffrance ; qu'ont-ils alors d'attrayant ? On s'inquiète peu de la santé, tant qu'elle est là, ou de l'absence de souffrances. Voilà donc des avantages qui, tant qu'on les possède, n'ont aucun attrait et n'ajoutent rien au bonheur. Ils s'en vont ? Leurs contraires arrivent avec leur cortège de peines ? Alors on les recherche. N'est-il donc pas raisonnable de dire qu'ils sont des choses nécessaires et non pas des biens ? Il ne faut pas les compter comme des éléments de la fin des biens ; même lorsqu'ils sont absents et que leurs contraires se présentent, il faut conserver cette fin sans la mélanger avec eux".
 

Plotin, Les Ennéades (254-270 ap. J.-C.), I, 4, Les Belles-Lettres, p. 75-76.

 

    "Il n'y a rien que le désir, et le regret ou le repentir, qui nous puissent empêcher d'être contents : mais si nous faisons toujours tout ce que nous dicte notre raison, nous n'aurons jamais aucun sujet de nous repentir, encore que les événements nous fissent voir, par après, que nous nous sommes trompés, parce que ce n'est point par notre faute. Et ce qui fait que nous ne désirons point d'avoir, par exemple, plus de bras ou plus de langues que nous n'en avons, mais que nous désirons bien d'avoir plus de santé ou plus de richesses, c'est seulement que nous imaginons que ces choses ici pourraient être acquises par notre conduite, ou bien qu'elles sont dues à notre nature, et que ce n'est pas le même des autres : de laquelle opinion nous pourrons nous dépouiller, en considérant que, puisque nous avons toujours suivi le conseil de notre raison, nous n'avons rien omis de ce qui était en notre pouvoir, et que les maladies et les infortunes ne sont pas moins naturelles à l'homme, que les prospérités et la santé.
    Au reste, toute sorte de désirs ne sont pas incompatibles avec la béatitude ; il n'y a que ceux qui sont accompagnés d'impatience et de tristesse. Il n'est pas nécessaire aussi que notre raison ne se trompe point ; il suffit que notre conscience nous témoigne que nous n'avons jamais manqué de résolution et de vertu, pour exécuter toutes les choses que nous avons jugé être les meilleures, et ainsi la vertu seule est suffisante pour nous rendre contents en cette vie. Mais néanmoins parce que, lorsqu'elle n'est pas éclairée par l'entendement, elle peut être fausse, c'est-à-dire que la volonté et résolution de bien faire nous peut porter à des choses mauvaises, quand nous les croyons bonnes, le contentement qui en revient n'est pas solide ; et parce qu'on oppose ordinairement cette vertu aux plaisirs, aux appétits et aux passions, elle est très difficile à mettre en pratique, au lieu que le droit usage de la raison, donnant une vraie connaissance du bien, empêche que la vertu ne soit fausse, et même l'accordant avec les plaisirs licites, il en rend l'usage si aisé, et nous faisant connaître la condition de notre nature, il borne tellement nos désirs, qu'il faut avouer que la plus grande félicité de l'homme dépend de ce droit usage de la raison, et par conséquent que l'étude qui sert à l'acquérir, est la plus utile occupation qu'on puisse avoir, comme elle est aussi sans doute la plus agréable et la plus douce."


Descartes, Lettre à Elisabeth du 4 août 1645 [A.T. IV, 266-267 - édit. F. Alquié, tome III, p. 589-590].

    "[…] nous devons considérer que la félicité en cette vie ne consiste pas dans le repos d'une âme satisfaite. En effet, il n'existe rien de tel que cette finis ultimus (fin dernière), ou ce summum bonum (bien suprême), comme on le dit dans les livres de la morale vieillie des philosophes. Nul ne peut vivre non plus si ses désirs touchent à leur fin, non plus que si ses sensations et son imagination s'arrêtent. La félicité est une progression ininterrompue du désir allant d'un objet à un autre, de telle sorte que parvenir au premier n'est jamais que la voie menant au second. La cause en est que l'objet du désir humain n'est pas de jouir une fois seulement, et pendant un instant, mais de ménager pour toujours la voie de son désir futur. Et donc, les actions volontaires et les penchants humains ne visent pas seulement à procurer une vie heureuse, mais encore à la garantir ; et ils diffèrent seulement dans la voie qu'ils suivent. […]
    C'est pourquoi je place au premier rang, à titre de penchant universel de tout le genre humain, un désir inquiet d'acquérir puissance après puissance, désir qui ne cesse seulement qu'à la mort. Et la cause de cela n'est pas toujours que l'on espère une jouissance plus grande que celle qu'on vient déjà d'atteindre, ou qu'on ne peut se contenter d'une faible puissance, mais qu'on ne peut garantir la puissance et les moyens de vivre bien dont on dispose dans le présent sans en acquérir plus. C'est ce qui fait que les rois dont la puissance est la plus grande orientent leurs efforts en vue de la garantir, à l'intérieur par les lois, et à l'extérieur par les guerres. Et, quand cela est accompli, un nouveau désir succède à l'ancien : pour les uns, c'est le désir de gloire acquise lors d'une conquête ; pour les autres c'est le désir d'une vie facile et de plaisirs sensuels ; chez d'autres encore, c'est le désir d'être admirés ou flattés pour leur excellence dans tel ou tel art ou pour une autre aptitude de l'esprit".

Hobbes, Léviathan, 1651, I, 11, De la diversité des moeurs, tr. fr. Gérard Mairet, Folio Essais, p. 186-188.


    "Comme l'amour de soi est, de tous les principes, le plus général et le plus profondément gravé dans nos coeurs, il nous est naturel de considérer les choses selon leur propriété à accroître ou diminuer notre propre bonheur ; et, en conséquence, nous les appelons bonnes ou mauvaises. Notre jugement s'emploie toujours à distinguer ces deux contraires ; et c'est toute l'affaire de notre existence que d'essayer, par une application pertinente de nos facultés, de nous procurer l'un et d'éviter l'autre. Quand d'abord nous entrons dans le monde, nous sommes entièrement guidés par les impressions sensibles ; car le plaisir sensible est la marque infaillible du bien présent, comme la douleur l'est du mal. Mais, par degrés, au fur et à mesure que nous nous familiarisons avec la nature des choses, l'expérience nos informe qu'un bien présent n'est pas moins fréquemment l'occasion qui nous procure par la suite un plus grand bien. En outre, lorsque les facultés les plus nobles de l'âme humaine commencent à se révéler, elles nous découvrent des biens qui sont de beaucoup plus excellents que ceux qui touchent les sens. Aussi modifions-nous nos jugements ; nous n'agissons pas plus longtemps d'après les premières sollicitations des sens et nous nous arrêtons pour considérer les conséquences lointaines d'une action ; quel bien nous pouvons en espérer ou quel mal nous pouvons en craindre, d'après le cours habituel des choses. Cette méthode nous oblige fréquemment à négliger les jouissances présentes mais passagères, quand elles entrent en compétition avec de plus grands biens et plus durables ; mais trop lointains ou d'une nature trop raffinée pour toucher nos sens".
 

 

Berkeley, L'Obéissance passive, 1712, Aubier-Montaigne, p. 363-364 édité avec Les principes de la connaissance humaine.


  "Nous ne savons ce que c'est que bonheur ou malheur absolu. Tout est mêlé dans cette vie ; on n'y goûte aucun sentiment pur, on n'y reste pas deux moments dans le même état. Les affections de nos âmes, ainsi que les modifications de nos corps sont dans un flux continuel. Le bien et le mal nous sont communs à tous, mais en différentes mesures. Le plus heureux est celui qui souffre le moins de peines ; le plus misérable est celui qui sent le moins de plaisirs. Toujours plus de souffrances que de jouissances ; voilà la différence commune à tous. La félicité de l'homme d'ici-bas n'est donc qu'un état négatif ; on doit la mesurer par la moindre quantité de maux qu'il souffre.
  Tout sentiment de peine est inséparable du désir de s'en délivrer ; toute idée de plaisir est inséparable du désir d'en jouir ; tout désir suppose privation, et toutes les privations qu'on sent sont pénibles ; c'est donc dans la disproportion de nos désirs et de nos facultés que consiste notre misère. Un être sensible dont les facultés égaleraient les désirs serait un être absolument heureux. En quoi consiste donc la sagesse humaine ou la route du vrai bonheur ? Ce n'est précisément pas à diminuer nos désirs ; car, s'ils étaient au-dessous de notre puissance, une partie de nos facultés resterait oisive, et nous ne jouirions pas de tout notre être. Ce n'est pas non plus à étendre nos facultés, car si nos désirs s'étendaient à la fois en plus grand rapport, nous n'en deviendrions que plus misérables ; mais c'est à diminuer l'excès des désirs sur les facultés, et à mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté. C'est alors seulement que, toutes les facultés étant en action, l'âme cependant restera paisible, et que l'homme se trouvera bien ordonné."

 

Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l'éducation, 1762, Livre second, GF, 1960, p. 93-94.



    "L'école qui accepte comme fondement de la morale le principe d'utilité ou du plus grand bonheur pose que les actions sont moralement bonnes (right) dans la mesure où elles tendent à promouvoir le bonheur, moralement mauvaises dans la mesure où elles tendent à produire le contraire du bonheur. Par "bonheur", on entend le plaisir et l'absence de douleur ; par "malheur", la douleur et la privation de plaisir. [...] Supposer que la vie n'a pas de fin plus noble que le plaisir, qu'on ne puisse désirer ou rechercher rien de meilleur ni de plus noble est, selon [de nombreux esprits], une chose profondément méprisable et vile, une doctrine digne seulement des pourceaux auxquels les disciples d'Épicure furent comparés avec mépris dans l'Antiquité [...]. La comparaison entre la vie selon Épicure et celle des bêtes est ressentie comme dégradante précisément parce que les plaisirs d'une bête ne satisfont pas la conception du bonheur que se fait un être humain. Les êtres humains possèdent des facultés plus nobles que les appétits animaux et, quand ils en ont pris conscience, ils ne considèrent plus comme du bonheur ce qui n'inclut pas le plein exercice de ces facultés. [...] il n'y a pas de théorie épicurienne connue qui n'assigne aux plaisirs de l'intellect, de la sensibilité et de l'imagination ainsi qu'à ceux que procurent les sentiments moraux une valeur, en tant que plaisirs, bien plus élevée qu'aux purs plaisirs des sens. [...]
    Il est tout à fait compatible avec le principe d'utilité de reconnaître le fait que certaines espèces de plaisirs sont plus désirables et plus précieuses que d'autres. Alors que, lorsqu'on évalue toutes les autres choses, on considère la qualité tout autant que la quantité, il serait absurde que, pour les plaisirs, l'estimation soit censée ne dépendre que de la seule quantité.
    Si l'on me demande ce que j'entends par une différence de qualité entre des plaisirs, ou ce qui fait qu'un plaisir est plus précieux qu'un autre, en tant simplement que plaisir, mis à part le fait qu'il soit plus grand quantitativement, il n'y a qu'une réponse possible. Si, de deux plaisirs, il en est un auquel tous ceux, ou presque, qui ont expérimenté les deux accordent une nette préférence, sans qu'intervienne aucune obligation morale de le préférer, c'est ce plaisir-là qui est le plus désirable. Si l'un des deux est placé si haut au-dessus de l'autre par ceux qui ont l'expérience compétente des deux, au point qu'ils le préfèrent même en sachant qu'il est obtenu au prix d'un plus grand désagrément, et qu'ils n'y renonceraient en échange d'aucune quantité de l'autre plaisir, aussi grande que ce dont leur nature est capable, nous sommes justifiés d'attribuer à la satisfaction ainsi préférée une supériorité en qualité qui l'emporte tellement sur la quantité que celle-ci, en comparaison, ne compte guère.
    Or, c'est un fait incontestable que ceux qui connaissent également bien l'un et l'autre modes de vie, et sont également capables de les apprécier et d'en tirer une satisfaction, accordent une préférence très marquée à celui qui fait appel à leurs facultés nobles. Peu de créatures humaines consentiraient à être changées en l'un quelconque des animaux inférieurs en échange de la promesse de la quantité maximale des plaisirs de la bête; aucun être humain intelligent ne consentirait à être un imbécile, aucun être instruit à être un ignorant, aucune personne capable de sentiment et de conscience à être égoïste et vile, même si on les persuadait que l'imbécile, l'ignorant ou la canaille sont plus contents chacun de son lot respectif qu'eux ne le sont du leur. Ils ne voudraient pas renoncer à ce qu'ils possèdent de plus que ces gens-là en échange de la satisfaction la plus complète de tous les désirs qu'ils ont en commun avec eux. [...] Il vaut mieux être un être humain insatisfait qu'un pourceau satisfait, Socrate insatisfait qu'un imbécile satisfait".
 
John Stuart Mill, L'utilitarisme, 1861, tr. fr. Catherine Audard, PUF, coll. Quadrige, 1998, p. 31-37.

 
  "Si la culture impose d'aussi grands sacrifices, non seulement à la sexualité mais aussi au penchant de l'homme à l'agression, nous comprenons mieux qu'il soit difficile à l'homme de s'y trouver heureux. En fait, l'homme originaire était en cela mieux partagé, étant donné qu'il ne connaissait pas de restrictions pulsionnelles. En revanche, sa certitude de jouir longtemps d'un tel bonheur était des plus minces. L'homme de la culture a fait l'échange d'une part de possibilité de bonheur contre une part de sécurité. N'oublions pas toutefois que dans la famille originaire seul le chef suprême bénéficiait de cette liberté pulsionnelle ; les autres vivaient en esclaves dans l'oppression. L'opposition entre une minorité jouissant des avantages de la culture et une majorité dépouillée de ces avantages était donc, dans ce temps originaire de la culture, poussée à l'extrême. Sur le primitif vivant de nos jours, nous avons appris par une enquête plus attentive, que sa vie pulsionnelle ne peut nullement être enviée pour sa liberté ; elle est soumise à des restrictions d'une autre espèce, mais peut-être d'une plus grande rigueur que ne l'est celle de l'homme aux temps modernes.
  Si, à notre actuel état de la culture, nous objectons à bon droit l'insuffisance avec laquelle il satisfait nos exigences d'une régulation propre à nous rendre heureux, objectant aussi la quantité de souffrance qu'il permet et qui serait vraisemblablement évitable ; si nous nous efforçons de mettre à découvert par une critique sans ménagement les racines de son imperfection, nous exerçons assurément notre bon droit et nous ne nous montrons pas ennemis de la culture.
  Nous pouvons espérer imposer peu à peu des modifications de notre culture qui assurent mieux la satisfaction de nos besoins et qui échappent à cette critique. Mais peut-être nous familiariserons-nous avec l'idée qu'il y a des difficultés qui sont inhérentes à l'essence de la culture et qui ne céderont à aucune tentative de réforme."

Freud, Le Malaise dans la culture, 1929, trad. P. Cotet, R. laissé, J. Stute-Cadict, PUF, 2002, p. 57-58.

 

 


Date de création : 29/11/2005 @ 12:18
Dernière modification : 18/05/2021 @ 10:56
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