"Ainsi, la vraie sociabilité consiste davantage dans la continuité successive que dans la solidarité actuelle. Les vivants sont toujours, et de plus en plus, gouvernés nécessairement par les morts : telle est la loi fondamentale de l'ordre humain.
Pour la mieux concevoir, il faut distinguer, chez chaque vrai serviteur de l’Humanité, deux existences successives : l'une, temporaire mais directe, constitue la vie proprement dite; l'autre, indirecte mais permanente, ne commence qu'après la mort. La première étant toujours corporelle, elle peut être qualifiée d'objective ; surtout par contraste envers la seconde, qui, ne laissant subsister chacun que dans le cœur et l'esprit d'autrui, mérite le nom de subjective. Telle est la noble immortalité, nécessairement immatérielle, que le positivisme reconnaît à notre âme, en conservant ce terme précieux pour désigner l'ensemble des fonctions intellectuelles et morales, sans aucune allusion à l'entité correspondante.
D'après cette haute notion, la vraie population humaine se compose donc de deux masses toujours indispensables, dont la proportion varie sans cesse, en tendant à faire davantage prévaloir les morts sur les vivants dans chaque opération réelle." [2]
Enfin, il répète dans son Système de politique positive :
"En un mot, les vivants sont toujours, et de plus en plus, dominés par les morts." [3]