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Texte à méditer :  Une vie sans examen ne mérite pas d'être vécue.  Socrate
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Hors des sentiers battus
Bonheur et politique
  "Si donc il y a, de nos activités, quelque fin que nous souhaitons par elle-même, et les autres seulement à cause d’elle, et si nous ne choisissons pas indéfiniment une chose en vue d’une autre (car on procéderait ainsi à l’infini, de sorte que le désir serait futile et vain), il est clair que cette fin-là ne saurait être que le bien, le Souverain Bien. N’est-il pas vrai dès lors que, pour la conduite de la vie, la connaissance de ce bien est d’un grand poids et que, semblables à des archers qui ont une cible sous les yeux, nous pourrons plus aisément atteindre le but qui convient ? S’il en est ainsi, nous devons essayer d’embrasser, tout au moins dans ses grandes lignes, la nature du Souverain Bien, et de dire de quelle science particulière ou de quelle potentialité il relève. On sera d’avis qu’il dépend de la science suprême et architectonique par excellence. Or une telle science est manifestement la Politique car c’est elle qui dispose quelles sont parmi les sciences celles qui sont nécessaires dans les cités, et quelles sortes de sciences chaque classe de citoyens doit apprendre, et jusqu’à quel point l’étude en sera poussée ; et nous voyons encore que même les potentialités les plus appréciées sont subordonnées à la Politique par exemple la stratégie, l’économique, la rhétorique. Et puisque la Politique se sert des autres sciences pratiques et qu’en outre elle légifère sur ce qu’il faut faire et sur ce dont il faut s’abstenir, la fin de cette science englobera les fins des autres sciences ; d’où il résulte que la fin de la Politique sera le bien proprement humain Même si, en effet, il y a identité entre le bien de l’individu et celui de la cité, de toute façon c’est une tâche manifestement plus importante et plus parfaite d’appréhender et de sauvegarder le bien de la cité : car le bien est assurément aimable même pour un individu isolé, mais il est plus beau et plus divin appliqué à une nation ou à des cités."
 
Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre I, 1, tr. fr. Jules Tricot, Vrin, 1983, p. 33-35.


  "Quand on veut y regarder de près, il peut paraître sans doute fort extraordinaire que la fonction de l'homme d'État consiste dans la possibilité d'étudier les moyens de s'assurer la domination la plus absolue sur les peuples voisins, que ces peuples le veuillent ou ne le veuillent pas. Comment pareil office peut-il être celui d'un homme d'Etat ou d'un législateur, alors qu'il n'est même pas légitime ? Or n'a rien de légitime une autorité qui s'exerce non pas avec justice seulement, mais encore avec une injustice ; et il est possible de soumettre les autres à sa domination même en dehors de tout droit. - En outre, nous ne voyons non plus rien de semblable dans les autres sciences : ce n'est la fonction ni du médecin ni du pilote d'user de persuasion ou de violence, l'un envers ses malades, l'autre envers ses passagers.
  Néanmoins, la plupart des hommes semblent penser que l'art de gouverner despotiquement est l'art de l'homme d'Etat et cette sorte de gouvernement que chaque peuple déclare injuste et désavantageux pour lui-même, il ne rougit pas de l'exercer envers les autres, car si dans les affaires qui les intéressent personnellement, les hommes réclament une autorité respectueuse de la justice, dans leurs relations avec les autres ils n'ont aucun souci de ce qui est juste. Mais c'est là une position absurde, à moins d'admettre que c'est la nature elle-même qui distingue entre l'être destiné à subir une autorité despotique et l'être qui n'y est pas destiné, avec cette conséquence que, s'il en est ainsi, on ne doit pas s'efforcer de soumettre indifféremment tous les hommes à un pouvoir despotique, mais seulement ceux qui y sont naturellement prédisposés, pas plus qu'on n'a le droit de poursuivre des êtres humains à la chasse pour pourvoir à un festin ou à un sacrifice, mais seulement le gibier propre à ces usages, c'est-à-dire des animaux sauvages comestibles.
  J'ajoute qu'il est parfaitement possible que même une cité isolée, n'ayant de rapports qu'avec elle-même, connaisse le bonheur, c'est-à-dire soit sagement gouvernée, puisqu'il peut fort bien arriver qu'un Etat soit administré en un lieu quelconque, "en vase clos", et jouisse d'une bonne législation ; or dans cet Etat, la structure de la constitution ne sera pas orientée vers la guerre ni vers l'asservissement de ses ennemis, toute idée de ce genre devant même être exclue. Il est donc évident que si tous les soins apportés à la préparation de la guerre doivent être tenus pour des plus honorables, ils ne constituent cependant pas la fin suprême de l'activité entière de l'Etat, mais seulement des moyens en vue de cette fin. Et l'office du sage législateur est de considérer, pour un Etat, une race ou toute autre communauté, comment sera réalisée leur participation à une vie bonne, et au bonheur qu'il leur est possible d'atteindre. Les lois que le législateur édictera ne seront cependant pas toujours les mêmes : et c'est son office de voir, dans le cas où il existe des voisins, à quelles sortes d'activités on doit se livrer d'après leurs différents caractères, ou comment on adoptera les mesures qui conviennent à chacun d'eux."

 

Aristote, Politique, VII, 2, 1324 b 22.



    "J'aurais voulu naître dans un pays où le souverain et le peuple puissent avoir qu'un seul et même intérêt, afin que tous les mouvements de la machine ne tendissent jamais qu'au bonheur commun ; ce qui ne pouvant se faire à moins que le peuple et le souverain ne soient une même personne, il s'ensuit que j'aurais voulu naître sous un gouvernement démocratique, sagement tempéré.
    J'aurais voulu vivre et mourir libre, c'est-à-dire tellement soumis aux lois que ni moi ni personne n'en pût secouer l'honorable joug. Ce joug salutaire et doux, que les têtes les plus fières portent d'autant plus docilement qu'elles sont faites pour n'en porter aucun autre.
J'aurais donc voulu que personne dans l’Etat n'eût pu se dire au-dessus de la loi, et que personne au-dehors n'en pût imposer que l’Etat fût obligé de reconnaître. Car quelle que puisse être la constitution d'un gouvernement, s'il s'y trouve un seul homme qui ne soit pas soumis à la loi, tous les autres sont nécessairement à la discrétion de celui-là et s'il y a un chef national, et un autre chef étranger quelque partage d'autorité qu'ils puissent faire, il est impossible que l'un et l'autre soient bien obéis et que l’Etat soit bien gouverné."


Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1754, Livre de poche, 1996, p. 60.

 
  "La liberté en tant qu'homme dont on peut formuler le principe pour la constitution d'une communauté de la manière suivante : personne ne peut me contraindre à être heureux à sa manière (c'est-à-dire à la manière dont il conçoit le bien-être des autres hommes) ; par contre, chacun peut chercher son bonheur de la manière qui lui paraît bonne, à condition de ne pas porter préjudice à la liberté qu'a autrui de poursuivre une fin semblable (c'est-à-dire de ne pas porter préjudice au droit d'autrui), liberté qui peut coexister avec la liberté de chacun grâce à une possible loi universelle. Un gouvernement qui serait fondé sur le principe de la bienveillance envers le peuple, comme celui d'un père envers ses enfants, c'est-à-dire un gouvernement paternaliste (imperium paternale), où les sujets sont forcés de se conduire d'une manière simplement passive, à la manière d'enfants mineurs, incapables de distinguer ce qui leur est vraiment utile ou nuisible et qui doivent attendre simplement du jugement du chef d'État la manière dont ils doivent être heureux et simplement de sa bonté qu'également il le veuille, est le plus grand despotisme qu'on puisse concevoir (c'est-à-dire une Constitution qui supprime toute liberté pour les sujets qui ainsi ne possèdent aucun droit)."
 
Kant, Théorie et Pratique, IIe  partie, § 5, trad. J.-M. Muglioni, Hatier, « Profil philosophie », 1990, p. 65.
 

  "La liberté en tant qu'homme, j'en exprime le principe pour la constitution d'une communauté dans la formule : personne ne peut me contraindre à être heureux d'une certaine manière (celle dont il conçoit le bien-être des autres hommes), mais il est permis à chacun de chercher le bonheur dans la voie qui lui semble, à lui, être la bonne, pourvu qu'il ne nuise pas à la liberté qui peut coexister avec la liberté de chacun selon une loi universelle possible (autrement dit, à ce droit d'autrui). Un gouvernement qui serait fondé sur le principe de la bienveillance envers le peuple, tel celui du père envers ses enfants, c'est-à-dire un gouvernement paternel, où par conséquent les sujets, tels des enfants mineurs incapables de décider de ce qui leur est vraiment utile ou nuisible, sont obligés de se comporter de manière uniquement passive, afin d'attendre uniquement du jugement du chef de l'Etat la façon dont ils doivent être heureux, et uniquement de sa bonté qu'il le veuille également, - un tel gouvernement, dis-je, est le plus grand despotisme que l'on puisse concevoir (constitution qui supprime toute liberté des sujets qui, dès lors, ne possèdent plus aucun droit)."

 

Kant, Sur l 'expression courante :  il se peut que ce soit juste en théorie, mais en pratique, cela ne vaut rien, 1793, p. 31.


  "Si donc il devait arriver qu'un peuple juge avec la plus grande vraisemblance qu'il perd son bonheur sous la législation en vigueur, qu'a-t-il à faire ? Ne doit-il pas résister ? La réponse ne peut être que : il n'a rien d'autre à faire qu'à obéir. Car il n'est pas question ici du bonheur que les sujets peuvent attendre de l'établissement ou du gouvernement du corps commun, mais d'abord simplement du droit qui doit être par là garanti à chacun ; c'est là le principe suprême d'où il faut que découlent toutes les maximes qui concernent un corps commun, et ce principe n'est limité par aucun autre. Quand il s'agit du bonheur, aucun principe universellement valable ne peut être donné pour loi. Car aussi bien les circonstances que les opinions vaines, fort contraires et en outre toujours changeantes, où chacun place son bonheur (mais personne ne peut lui prescrire où il doit le placer), rendent impossible qu'il y ait un principe stable et propre à lui seul à servir de principe à la législation. La proposition : salus publica suprema civitatis lex est [Le salut public est la loi suprême de l'État], garde intactes sa valeur et son autorité ; mais le salut public qu'il faut prendre d'abord en considération est précisément la constitution légale qui garantit à chacun sa liberté par des lois : en quoi il demeure loisible à chacun de chercher son bonheur dans la voie qui lui paraît la meilleure pourvu qu'il ne porte pas atteinte à la liberté universelle et conforme à la loi et donc au droit des autres co-sujets."

 

Kant, Théorie et pratique, 1793, II, § 14, tr. fr. Jean-Michel Muglioni.

 

  "Si un peuple devait très probablement juger que telle législation en vigueur actuellement compromet son bonheur, que doit-il faire ? Ne doit-il pas s'y opposer ? La réponse ne saurait être que la suivante : il n'y a rien d'autre à faire que d'obéir. Car, ici, il n'est pas question du bonheur que le sujet peut attendre d'une institution ou d'une administration de la communauté, mais, avant tout et simplement, du droit qui doit être par là assuré à chacun : ce qui est le principe suprême dont doivent provenir toutes les maximes qui concernent une communauté et qu'aucun autre ne peut limiter. En ce qui concerne la première maxime (celle du bonheur), aucun principe valable universellement ne peut être présenté au titre de loi. Car, aussi bien les circonstances historiques que les mirages où chacun place son bonheur et qui sont source de désaccords entre les hommes et qui changent pour cela continuellement (mais personne ne peut prescrire à quiconque le lieu où il doit le placer) rendent tout principe ferme impossible et inapte à devenir, pour ce qui le concerne, le fondement de la législation. La proposition : Le salut public est la loi suprême de la cité conserve sa valeur et son crédit inentamés ; mais le salut public, qu'il convient de prendre d'abord en considération, est justement cette constitution légale dont les lois assurent à chacun la liberté ; en quoi il lui reste loisible de poursuivre son bonheur de la manière qui lui semble la meilleure à condition de ne pas porter préjudice à cette loi universelle et conforme à la loi, donc au droit des autres co-sujets."

 

Kant, Théorie et pratique, 1793.


 

  "Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme, sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer, avilir par la tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur; le magistrat la règle de ses devoirs; le législateur l'objet de sa mission.
  En conséquence, il proclame, en présence de l'Etre suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen.
  Article premier. Le but de la société est le bonheur commun ; le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la puissance de ses droits naturels et imprescriptibles."

"Constitution du 24 juin 1793", Préambule in La Constitution de la France depuis 1789, Flammarion, GF, p. 79-80.


  "Le bonheur public doit être l’objet du Législateur : l’Utilité générale doit être le principe du raisonnement en Législation. […] Utilité est un terme abstrait. Il exprime la propriété ou la tendance d’une chose à préserver de quelque mal ou à procurer quelque bien. Mal, c'est peine, douleur ou cause de douleur. Bien, c’est plaisir ou cause de plaisir. Ce qui est conforme à l'utilité ou à l'intérêt d'un individu, c'est ce qui tend à augmenter la somme totale de son bien-être. Ce qui est conforme à l'utilité ou à l'intérêt d'une Communauté, c'est ce qui tend à augmenter la somme totale du bien-être des individus qui la composent."

 

Jeremy Bentham, Traités de législation civile et pénale, 1802.


 

  "Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pour­rait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplis­sent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres […].
  Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance ; il aime que les citoyens se réjouis­sent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entière­ment le trouble de penser et la peine de vivre ? […]
  J'ai toujours cru que cette sorte de servitude, réglée, douce et paisible, dont je viens de faire le tableau, pourrait se combiner mieux qu'on ne l'imagine avec quelques-unes des formes extérieures de la liberté, et qu'il ne lui serait pas impossible de s'établir à l'ombre même de la souveraineté du peuple."

 

Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, 1840, vol. II, 4e partie, chapitre 6.



    "Il ne paraît pas qu'on puisse amener l'homme par quelque moyen que ce soit à troquer sa nature contre celle d'un termite ; il sera toujours enclin à défendre son droit à la liberté individuelle contre la volonté de la masse. Un bon nombre de luttes au sein de l'humanité se livrent et se concentrent autour d'une tâche unique : trouver un équilibre approprié, donc de nature à assurer le bonheur de tous, entre ces revendications de l'individu et les exigences culturelles de la collectivité. Et c'est l'un des problèmes dont dépend le destin de l'humanité que de savoir si cet équilibre est réalisable au moyen d'une certaine forme de civilisation, ou bien si au contraire ce conflit est insoluble."

 

Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, 1929, Chapitre 3, P.U.F, 1971, Trad. Ch. Et J. Odier, p. 45.
 

Date de création : 29/11/2005 @ 12:40
Dernière modification : 17/07/2024 @ 11:52
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