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Texte à méditer :   C'est croyable, parce que c'est stupide.   Tertullien
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Hors des sentiers battus
La notion d'obligation

  "La moralité consiste à réaliser des fins impersonnelles, générales, indépendantes de l'individu et de ses intérêts particuliers. Or, la raison, par sa constitution native, va d'elle-même au général, à l'impersonnel ; car elle est la même chez tous les hommes et même chez tous les êtres raisonnables. Il n'y a qu’une raison. Par conséquent, en tant que nous ne sommes mus que par la raison, nous agissons moralement, et, en même temps, nous agissons avec une pleine autonomie, parce que nous ne faisons que suivre la loi de notre nature raisonnable. Mais, alors, d'où vient le sentiment d'obligation ? C'est que, en fait, nous ne sommes pas des êtres purement rationnels, nous sommes aussi des êtres sensibles. Or, la sensibilité, c'est la faculté par laquelle les individus se distinguent les uns des autres. Mon plaisir ne peut appartenir qu'à moi et ne reflète que mon tempérament personnel. La sensibilité nous incline donc vers des fins individuelles, égoïstes, irrationnelles, immorales. Il y a donc, entre la loi de raison et notre faculté sensible, un véritable antagonisme, et, par suite, la première ne peut s'imposer à la seconde que par une véritable contrainte. C'est le sentiment de cette contrainte qui donne naissance au sentiment de l'obligation."
 

Émile Durkheim, L'éducation morale, 1903, Huitième leçon, Le troisième élément de la moralité : L'autonomie de la volonté.



  "Le souvenir du fruit défendu est ce qu'il y a de plus ancien dans la mémoire de chacun de nous, comme dans celle de l'humanité. Nous nous en apercevrions si ce souvenir n'était recouvert par d'autres, auxquels nous préférons nous reporter. Que n'eût pas été notre enfance si l'on nous avait laissé faire ! Nous aurions volé de plaisirs en plaisirs. Mais voici qu'un obstacle surgissait, ni visible ni tangible : une interdiction. Pourquoi obéissions-nous ? La question ne se posait guère ; nous avions pris l'habitude d'écouter nos parents et nos maîtres. Toutefois nous sentions bien que c'était parce qu'ils étaient nos parents, parce qu'ils étaient nos maîtres. Donc, à nos yeux, leur autorité leur venait moins d'eux-mêmes que de leur situation par rapport à nous. Ils occupaient une certaine place : c'est de là que partait, avec une force de pénétration qu'il n'aurait pas eue s'il avait été lancé d'ailleurs, le commandement. En d'autres termes, parents et maîtres semblaient agir par délégation. Nous ne nous en rendions pas nettement compte, mais derrière nos parents et nos maîtres nous devinions quelque chose d'énorme ou plutôt d'indéfini, qui pesait sur nous de toute sa masse par leur intermédiaire. Nous dirions plus tard que c'est la société. Philosophant alors sur elle, nous la comparerions à un organisme dont les cellules, unies par d'invisibles liens, se subordonnent les unes aux autres dans une hiérarchie savante et se plient naturellement, pour le plus grand bien du tout, à une discipline qui pourra exiger le sacrifice de la partie. Ce ne sera là d'ailleurs qu'une comparaison, car autre chose est un organisme soumis à des lois nécessaires, autre chose une société constituée par des volontés libres. Mais du moment que ces volontés sont organisées, elles imitent un organisme ; et dans cet organisme plus ou moins artificiel l'habitude joue le même rôle que la nécessité dans les oeuvres de la nature. De ce premier point de vue, la vie sociale nous apparaît comme un système d'habitudes plus ou moins fortement enracinées qui répondent aux besoins de la communauté. Certaines d'entre elles sont des habitudes de commander, la plupart sont des habitudes d'obéir, soit que nous obéissions à une personne qui commande en vertu d'une délégation sociale, soit que de la société elle-même, confusément perçue ou sentie, émane un ordre impersonnel. Chacune de ces habitudes d'obéir exerce une pression sur notre volonté. Nous pouvons nous y soustraire, mais nous sommes alors tirés vers elle, ramenés à elle, comme le pendule écarté de la verticale. Un certain ordre a été dérangé, il devrait se rétablir. Bref, comme par toute habitude, nous nous sentons obligés."

 

Henri Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion, 1932, ch. 1, L'obligation morale, PUF, coll. Quadrige, p. 1-2,.



  "L'idée d'obligation s'exprime par l' « il faut », par le « tu dois » (ou par le « je dois ») qui accompagne dans la conscience, l'intimation concrète des devoirs.
  Psychologiquement, elle se révèle en cette conscience sous les espèces d'une pression et d'une contrainte intérieures, d'une sorte de nécessitation à faire ceci on cela, à ne pas faire ceci ou cela. Ces phénomènes de pression, de contrainte et de nécessitation n'ont toute leur vivacité que chez les hommes que leur nature empirique porte à se soustraire au devoir, et qui expérimentent ses conflits avec la passion où l'intérêt. Ils sont à peu près insensibles chez ceux qui se sont fait de leurs devoirs un besoin, une habitude on un plaisir : normalement les parents se dévouent à leurs enfants, les enfants à leurs parents, les amis à leurs amis, etc., sans s'y sentir ni contraints ni forcés. Ils disparaissent enfin totalement chez les saints et les héros, en qui l'attraction du bien a pratiquement supprimé et remplacé l'obligation du devoir. L'on pourrait donc dire que la conscience psychologique de cette obligation est en raison directe de la résistance qu'on lui oppose.
  Il n'en est pas moins vrai que, ressentie on non, l'obligation appartient de droit à l'essence même du devoir, que l'on ne saurait en effet concevoir que comme obligatoire."

 

Émile Baudin, Précis de morale, 1937, De Gigord, p. 88.



  "Les notions d'obligation et de droit (droit au sens subjectif du terme) sont intimement liées aux fonctions de la norme. Dire qu'une norme commande un certain comportement équivaut à dire qu'une norme oblige à un certain comportement. Dire qu'une personne est « obligée » ou a « l'obligation » de se comporter d'une certaine manière équivaut à dire qu'une norme commandant ce comportement est valide. L'obligation n'est pas quelque chose de différent de la norme, 1'obligation est la norme dans sa relation avec le sujet dont le comportement est commandé. Le comportement, par lequel on « remplit » l'obligation, est le comportement par lequel la norme est observée, qui est conforme à la norme. Le comportement par lequel on « viole » - comme on l'exprime de manière figurée - l'obligation est le comportement qui n'est pas conforme à la norme ou - comme on a l'habitude de dire - qui « contredit » la norme.
  Puisque les normes de la morale, tout comme les normes du droit, commandent un certain comportement, il y a aussi bien des obligations morales que des obligations juridiques. Une limitation de la notion d'obligation au domaine de la morale ne se justifie pas ; pourtant, il faut distinguer les obligations morales des obligations juridiques, tout comme il faut distinguer le droit de la morale. Le droit et la morale ne se distinguent pas par les fonctions et l'objet de leurs normes, ni par le fait que le droit statue des sanctions tandis que la morale ne statue pas de sanctions - comme on l'admet à peu près généralement. Le droit et la morale se distinguent par le fait que le droit commande un certain comportement (et cela signifie qu'il en fait une obligation juridique) imposant comme obligatoire une sanction comme condition du comportement contraire, tandis que la morale commande un certain comportement et en fait ainsi une obligation morale, et attache une sanction aussi bien au comportement conforme qu'au comportement contraire. Une autre différence – et c'est une différence d'un point de vue de stricte technique juridique – tient à ce que, dans un ordre juridique techniquement avancé, des organes fonctionnant sur le principe de la division du travail – les autorités judiciaires et administratives – sont investis pour appliquer des sanctions tandis qu'un ordre moral positif habilite tout membre de la communauté qu'elle institue à exécuter les sanctions prévus par cet ordre."


Hans Kelsen, Théorie générale des normes, Chapitre 32, tr. fr. Olivier Béaud et Fabrice Malkani, PUF, 1996, p. 175-176.
 

Date de création : 21/05/2011 @ 17:53
Dernière modification : 12/01/2024 @ 17:34
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